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dans ce temps-là, Malin, le correspondant de Louis XVIII. Il fut forcé, par le ministre de la Police, de rédiger les proclamations du gouvernement révolutionnaire, ses actes, ses arrêts, la mise hors la loi des factieux du 18 brumaire ; et bien plus, ce fut ce complice malgré lui qui les fit imprimer au nombre d’exemplaires nécessaire et qui les tint prêts en ballots dans sa maison. L’imprimeur fut arrêté comme conspirateur, car on fit choix d’un imprimeur révolutionnaire, et la police ne le relâcha que deux mois après. Cet homme est mort en 1816, croyant à une conspiration montagnarde. Une des scènes les plus curieuses jouées par la police de Fouché, est, sans contredit, celle que causa le premier courrier reçu par le plus célèbre banquier de cette époque, et qui annonça la perte de la bataille de Marengo. La fortune, si vous vous le rappelez, ne se déclara pour Napoléon que sur les sept heures du soir. À midi, l’agent envoyé sur le théâtre de la guerre par le roi de la finance d’alors regarda l’armée française comme anéantie et s’empressa de dépêcher un courrier. Le ministre de la Police envoya chercher les afficheurs, les crieurs, et l’un de ses affidés arrivait avec un camion chargé des imprimés, quand le courrier du soir, qui avait fait une excessive diligence, répandit la nouvelle du triomphe qui rendit la France véritablement folle. Il y eut des pertes considérables à la Bourse. Mais le rassemblement des afficheurs et des crieurs qui devaient proclamer la mise hors la loi, la mort politique de Bonaparte, fut tenu en échec et attendit que l’on eût imprimé la proclamation et le placard où la victoire du premier consul était exaltée. Gondreville, sur qui toute la responsabilité du complot pouvait tomber, fut si effrayé, qu’il mit les ballots dans des charrettes et les mena nuitamment à Gondreville, où sans doute il enterra ces sinistres papiers dans les caves du château qu’il avait acheté sous le nom d’un homme… Il l’a fait nommer président d’une cour impériale, il avait nom… Marion ! Puis il revint à Paris assez à temps pour complimenter le premier Consul. Napoléon accourut, vous le savez, avec une effrayante célérité d’Italie en France, après la bataille de Marengo ; mais il est certain, pour ceux qui connaissent à fond l’histoire secrète de ce temps, que sa promptitude eut pour cause un message de Lucien. Le ministre de l’intérieur avait entrevu l’attitude du parti montagnard, et, sans savoir d’où soufflait le vent, il craignait l’orage. Incapable de soupçonner les trois ministres, il attribuait