Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les trois pourvois en grâce, puis-je prendre sur moi de supprimer la demande de votre ancien client ? Jeter ce papier au feu, c’est lui couper la tête.

Il présenta le blanc-seing de Michu, monsieur de Grandville le prit et le regarda.

— Nous ne pouvons pas le supprimer ; mais, sachez-le ! si vous demandez tout, vous n’obtiendrez rien.

— Avons-nous le temps de consulter Michu ? dit Bordin.

— Oui. L’ordre d’exécution regarde le Parquet du Procureur-Général, et nous pouvons vous donner quelques jours. On tue les hommes, dit-il avec une sorte d’amertume, mais on y met des formes, surtout à Paris.

Monsieur de Chargebœuf avait eu déjà chez le Grand-Juge des renseignements qui donnaient un poids énorme à ces tristes paroles de monsieur de Grandville.

— Michu est innocent, je le sais, je le dis, reprit le magistrat ; mais que peut-on seul contre tous ? Et songez que mon rôle est de me taire aujourd’hui. Je dois faire dresser l’échafaud où mon ancien client sera décapité.

Monsieur de Chargebœuf connaissait assez Laurence pour savoir qu’elle ne consentirait pas à sauver ses cousins aux dépens de Michu. Le marquis essaya donc une dernière tentative. Il avait fait demander une audience au ministre des Relations extérieures, pour savoir s’il existait un moyen de salut dans la haute diplomatie. Il prit avec lui Bordin qui connaissait le ministre et lui avait rendu quelques services. Les deux vieillards trouvèrent Talleyrand absorbé dans la contemplation de son feu, les pieds en avant, la tête appuyée sur sa main, le coude sur la table, le journal à terre. Le ministre venait de lire l’arrêt de la cour de cassation.

— Veuillez vous asseoir, monsieur le marquis, dit le ministre, et vous, Bordin, ajouta-t-il en lui indiquant une place devant lui à sa table, écrivez :

« Sire,

Quatre gentilshommes innocents, déclarés coupables par le jury, viennent de voir leur condamnation confirmée par votre Cour de cassation.

Votre Majesté Impériale ne peut plus que leur faire grâce. Ces gentilshommes ne réclament cette grâce de votre auguste clé-