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éclairés sur ce point par le marquis de Chargebœuf assis courageusement auprès de Bordin et de monsieur de Grandville, quand le jury fut constitué, l’acte d’accusation lu, les accusés furent séparés pour procéder à leurs interrogatoires. Tous répondirent avec un remarquable ensemble. Après être allés le matin se promener à cheval dans la forêt, ils étaient revenus à une heure pour déjeuner à Cinq-Cygne ; après le repas de trois heures à cinq heures et demie, ils avaient regagné la forêt. Tel fut le fond commun à chaque accusé, dont les variantes découlèrent de leur position spéciale. Quand le président pria messieurs de Simeuse de donner les raisons qui les avaient fait sortir de si grand matin, l’un et l’autre déclarèrent que, depuis leur retour, ils pensaient à racheter Gondreville, et que, dans l’intention de traiter avec Malin, arrivé la veille, ils étaient sortis avec leur cousine et Michu afin d’examiner la forêt pour baser des offres. Pendant ce temps-là, messieurs d’Hauteserre, leur cousine et Gothard avaient chassé un loup que les paysans avaient aperçu. Si le directeur du jury eût recueilli les traces de leurs chevaux dans la forêt avec autant de soin que celles des chevaux qui avaient traversé le parc de Gondreville, on aurait eu la preuve de leurs courses en des parties bien éloignées du château.

L’interrogatoire de messieurs d’Hauteserre confirma celui de messieurs de Simeuse, et se trouvait en harmonie avec leurs dires, dans l’instruction. La nécessité de justifier leur promenade avait suggéré à chaque accusé l’idée de l’attribuer à la chasse. Des paysans avaient signalé, quelques jours auparavant, un loup dans la forêt, et chacun d’eux s’en fit un prétexte.

Cependant l’accusateur public releva des contradictions entre les premiers interrogatoires où messieurs d’Hauteserre disaient avoir chassé tous ensemble, et le système adopté à l’audience qui laissait messieurs d’Hauteserre et Laurence chassant, tandis que messieurs de Simeuse auraient évalué la forêt.

Monsieur de Grandville fit observer que le délit n’ayant été commis que de deux heures à cinq heures et demie, les accusés devaient être crus quand ils expliquaient la manière dont ils avaient employé la matinée.

L’accusateur répondit que les accusés avaient intérêt à cacher les préparatifs pour séquestrer le sénateur.

L’habileté de la Défense apparut alors à tous les yeux. Les juges, les jurés, l’audience comprirent bientôt que la victoire allait être