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la nation la plus vaniteuse et la plus théâtrale en fait de monuments qui soit aujourd’hui, diminuent l’action de cet énorme pouvoir. L’arrangement est le même dans presque toutes les villes. Au fond de quelque longue salle carrée, on voit un bureau couvert en serge verte, élevé sur une estrade, derrière lequel s’asseyent les juges dans des fauteuils vulgaires. À gauche, le siège de l’accusateur public, et, de son côté, le long de la muraille, une longue tribune garnie de chaises pour les jurés. En face des jurés, s’étend une autre tribune où se trouve un banc pour les accusés et pour les gendarmes qui les gardent. Le greffier se place au bas de l’estrade auprès de la table où se déposent les pièces à conviction. Avant l’institution de la Justice impériale, le commissaire du gouvernement et le directeur du jury avaient chacun un siège et une table, l’un à droite, l’autre à gauche du bureau de la cour. Deux huissiers voltigent dans l’espace qu’on laisse devant la cour pour la comparution des témoins. Les défenseurs se tiennent au bas de la tribune des accusés. Une balustrade en bois réunit les deux tribunes vers l’autre bout de la salle, et forme une enceinte où se mettent des bancs pour les témoins entendus et pour les curieux privilégiés. Puis, en face du tribunal, au-dessus de la porte d’entrée, il existe toujours une méchante tribune réservée aux autorités et aux femmes choisies du département par le président, à qui appartient la police de l’audience. Le public non privilégié se tient debout dans l’espace qui reste entre la porte de la salle et la balustrade. Cette physionomie normale des tribunaux français et des cours d’assises actuelles était celle de la cour criminelle de Troyes.

En avril 1806, ni les quatre juges et le président qui composaient la Cour, ni l’accusateur public, ni le directeur du jury, ni le commissaire du gouvernement, ni les huissiers, ni les défenseurs, personne, excepté les gendarmes, n’avait de costume ni de marque distinctive qui relevât la nudité des choses et l’aspect assez maigre des figures. Le crucifix manquait, et ne donnait son exemple ni à la justice ni aux accusés. Tout était triste et vulgaire. L’appareil, si nécessaire à l’intérêt social, est peut-être une consolation pour le criminel. L’empressement du public fut ce qu’il a été, ce qu’il sera dans toutes les occasions de ce genre, tant que les mœurs ne seront pas réformées, tant que la France n’aura pas reconnu que l’admission du public à l’audience n’emporte pas la publicité, que la publicité donnée aux débats constitue une peine