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moins prévenue, des présomptions de culpabilité relativement à messieurs de Simeuse, d’Hauteserre et Michu qui dégénéraient en certitude pour un directeur du jury. Maintenant que voulaient-ils faire du futur comte de Gondreville ? Le forcer à une rétrocession de sa terre, pour l’acquisition de laquelle le régisseur annonçait, dès 1799, avoir des capitaux ? Ici tout changeait d’aspect.

Le savant criminaliste se demanda quel pouvait être le but des recherches actives faites dans le château. S’il se fût agi d’une vengeance, les délinquants eussent pu tuer Malin. Peut-être le sénateur était-il mort et enterré. L’enlèvement accusait néanmoins une séquestration. Pourquoi la séquestration après les recherches accomplies au château ? Certes, il y avait folie à croire que l’enlèvement d’un dignitaire de l’Empire resterait longtemps secret ! La rapide publicité que devait avoir cet attentat en annulait les bénéfices.

À ces objections, Pigoult répondit que jamais la Justice ne pouvait deviner tous les motifs des scélérats. Dans tous les procès criminels, il existait, du juge au criminel et du criminel au juge, des parties obscures ; la conscience avait des abîmes où la lumière humaine ne pénétrait que par la confession des coupables.

Grévin et Lechesneau firent un hochement de tête en signe d’assentiment, sans pour cela cesser d’avoir les yeux sur ces ténèbres qu’ils tenaient à éclairer.

— L’Empereur leur a pourtant fait grâce, dit Pigoult à Grévin et à madame Marion, il les a radiés de la liste, quoiqu’ils fussent de la dernière conspiration ourdie contre lui !

Lechesneau, sans plus tarder, expédia toute sa gendarmerie sur la forêt et la vallée de Cinq-Cygne, en faisant accompagner Giguet par le juge de paix qui devint, aux termes du code, son officier de police judiciaire auxiliaire ; il le chargea de recueillir dans la commune de Cinq-Cygne les éléments de l’instruction, de procéder au besoin à tous interrogatoires, et, pour plus de diligence, il dicta rapidement et signa le mandat d’arrêt de Michu, sur qui les charges paraissaient évidentes. Après le départ des gendarmes et du juge de paix, Lechesneau reprit le travail important des mandats d’arrêt à décerner contre les Simeuse et les d’Hauteserre. D’après le code, ces actes devaient contenir toutes les charges qui pesaient sur les délinquants. Giguet et le juge de paix se portèrent si rapidement sur Cinq-Cygne, qu’ils rencontrèrent les gens du château revenant de