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Michu a-t-il un cheval ? dit-il au gendarme qui était de la brigade d’Arcis.

— Ah ! et un fameux bidet, répondit le gendarme, un cheval de chasse qui vient des écuries du ci-devant marquis de Simeuse. Quoiqu’il ait bien quinze ans, il n’en est que meilleur : Michu lui fait faire vingt lieues, l’animal a le poil sec comme mon chapeau. Oh ! Il en a bien soin, il en a refusé de l’argent.

— Comment est son cheval ?

— Une robe brune tirant sur le noir, des taches blanches au-dessus des sabots, maigre, tout nerfs, comme un cheval arabe.

— Tu as vu des chevaux arabes ?

— Je suis revenu d’Égypte il y a un an, et j’ai monté des chevaux de mameluck. On a onze ans de service dans la cavalerie : je suis allé sur le Rhin avec le général Steingel, de là en Italie, et j’ai suivi le Premier Consul en Égypte. Aussi vais-je passer brigadier.

— Quand je serai au pavillon de Michu, va donc à l’écurie, et si tu vis depuis onze ans avec les chevaux, tu dois savoir reconnaître quand un cheval a couru.

— Tenez, c’est là que notre brigadier a été jeté par terre, dit le gendarme en montrant l’endroit où le chemin débouchait au rond-point.

— Tu diras au capitaine de venir me prendre à ce pavillon, nous nous en irons ensemble à Troyes.

Corentin mit pied à terre et resta pendant quelques instants à observer le terrain. Il examina les deux ormes qui se trouvaient en face, l’un adossé au mur du parc, l’autre sur le talus du rond-point que coupait le chemin vicinal ; puis il vit, ce que personne n’avait su voir, un bouton d’uniforme dans la poussière du chemin, et il le ramassa. En entrant dans le pavillon, il aperçut Violette et Michu attablés dans la cuisine et disputant toujours. Violette se leva, salua Corentin, et lui offrit à boire.

— Merci, je voudrais voir le brigadier, dit le jeune homme qui d’un regard devina que Violette était gris depuis plus de douze heures.

— Ma femme le garde en haut, dit Michu.

— Eh bien ! brigadier, comment allez-vous ? dit Corentin qui s’élança dans l’escalier et qui trouva le gendarme la tête enveloppée d’une compresse et couché sur le lit de madame Michu.

Le chapeau, le sabre et le fourniment étaient sur une chaise.