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— Violette vous l’a dit ? s’écria Corentin.

— Oui, dit le lieutenant.

— Ah ! il faudrait tout faire soi-même, s’écria Peyrade en regardant Corentin qui se défiait tout autant que Peyrade de l’intelligence du lieutenant.

Le jeune homme répondit au vieillard par un signe de tête.

— À quelle heure êtes-vous arrivé au pavillon de Michu ? dit Corentin en remarquant que mademoiselle de Cinq-Cygne avait regardé l’horloge sur la cheminée.

— À deux heures environ, dit le lieutenant.

Laurence couvrit d’un même regard monsieur et madame d’Hauteserre, l’abbé Goujet et sa sœur qui se crurent sous un manteau d’azur ; la joie du triomphe pétillait dans ses yeux, elle rougit, et des larmes roulèrent entre ses paupières. Forte contre les plus grands malheurs, cette jeune fille ne pouvait pleurer que de plaisir. En ce moment elle fut sublime, surtout pour le curé qui, presque chagrin de la virilité du caractère de Laurence, y aperçut alors l’excessive tendresse de la femme ; mais cette sensibilité gisait, chez elle, comme un trésor caché à une profondeur infinie sous un bloc de granit. En ce moment un gendarme vint demander s’il fallait laisser entrer le fils de Michu qui venait de chez son père pour parler aux messieurs de Paris. Corentin répondit par un signe affirmatif. François Michu, ce rusé petit chien qui chassait de race, était dans la cour où Gothard, mis en liberté, put causer avec lui pendant un instant sous les yeux du gendarme. Le petit Michu s’acquitta d’une commission en glissant quelque chose dans la main de Gothard sans que le gendarme s’en aperçût. Gothard se coula derrière François et arriva jusqu’à mademoiselle de Cinq-Cygne pour lui remettre innocemment son alliance entière qu’elle baisa bien ardemment, car elle comprit que Michu lui disait, en la lui envoyant ainsi, que les quatre gentilshommes étaient en sûreté.

M’n p’a (mon papa) fait demander où faut mettre el brigadiais qui ne va point ben du tout.

— De quoi se plaint-il ? dit Peyrade.

Eu d’la tâte, il s’a fiché par tare ben drument tout de même. Pour un gindarme, qui savions montar à chevâlle, c’est du guignon ; mais il aura buté ! Il a un trou, oh ! gros comme eul’ poing darrière la tâte. Paraît qu’il a évu la chance