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ment formé par la rue principale du faubourg et par celle qui mène à la barrière de Pantin. Ce lieu est encore aujourd’hui un des plus déserts de tout Paris. La bise, passant sur les buttes Saint-Chaumont et de Belleville, sifflait à travers les maisons, ou plutôt les chaumières, semées dans ce vallon presque inhabité où les clôtures sont en murailles faites avec de la terre et des os. Cet endroit désolé semblait être l’asile naturel de la misère et du désespoir. L’homme qui s’acharnait à la poursuite de la pauvre créature assez hardie pour traverser nuitamment ces rues silencieuses, parut frappé du spectacle qui s’offrait à ses regards. Il resta pensif, debout et dans une attitude d’hésitation, faiblement éclairé par un réverbère dont la lueur indécise perçait à peine le brouillard. La peur donna des yeux à la vieille femme, qui crut apercevoir quelque chose de sinistre dans les traits de l’inconnu ; elle sentit ses terreurs se réveiller, et profita de l’espèce d’incertitude qui arrêtait cet homme pour se glisser dans l’ombre vers la porte de la maison solitaire ; elle fit jouer un ressort, et disparut avec une rapidité fantasmagorique. Le passant, immobile, contemplait cette maison, qui présentait en quelque sorte le type des misérables habitations de ce faubourg. Cette chancelante bicoque bâtie en moellons était revêtue d’une couche de plâtre jauni, si fortement lézardée, qu’on craignait de la voir tomber au moindre effort du vent. Le toit de tuiles brunes et couvert de mousse s’affaissait en plusieurs endroits de manière à faire croire qu’il allait céder sous le poids de la neige. Chaque étage avait trois fenêtres dont les châssis, pourris par l’humidité et disjoints par l’action du soleil, annonçaient que le froid devait pénétrer dans les chambres. Cette maison isolée ressemblait à une vieille tour que le temps oubliait de détruire. Une faible lumière éclairait les croisées qui coupaient irrégulièrement la mansarde par laquelle ce pauvre édifice était terminé ; tandis que le reste de la maison se trouvait dans une obscurité complète. La vieille femme ne monta pas sans peine l’escalier rude et grossier, le long duquel on s’appuyait sur une corde en guise de rampe, elle frappa mystérieusement à la porte du logement qui se trouvait dans la mansarde, et s’assit avec précipitation sur une chaise que lui présenta un vieillard.

— Cachez-vous, cachez-vous ! lui dit-elle. Quoique nous ne sortions que bien rarement, nos démarches sont connues, nos pas sont épiés.