Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un évier, mêlait incongrûment l’idée des nécessités de la vie réelle aux idées d’un pouvoir surnaturel. C’était le dégoût dans la curiosité. Gazonal aperçut une marche en bois blanc, la dernière sans doute de l’escalier intérieur qui menait à la soupente. Il embrassa tous ces détails par un seul coup d’œil, et il eut des nausées. C’était bien autrement effrayant que les récits des romanciers et les scènes des drames allemands, c’était d’une vérité suffocante. L’air dégageait une pesanteur vertigineuse, l’obscurité finissait par agacer les nerfs. Quand le méridional, stimulé par une espèce de fatuité, regarda le crapaud, il éprouva comme une chaleur d’émétique au creux de l’estomac, en ressentant une terreur assez semblable à celle du criminel devant le gendarme. Il essaya de se réconforter en examinant madame Fontaine, mais il rencontra deux yeux presque blancs, dont les prunelles immobiles et glacées lui furent insupportables. Le silence devint alors effrayant.

— Que voulez-vous, monsieur, dit madame Fontaine à Gazonal, le jeu de cinq francs, le jeu de dix francs, ou le grand jeu ?

— Le jeu de cinque francs est déjà bienne assez cherre, répondit le Méridional qui faisait en lui-même des efforts inouïs pour ne pas se laisser impressionner par le milieu dans lequel il se trouvait.

Au moment où Gazonal essayait de se recueillir, une voix infernale le fit sauter sur son fauteuil : la poule noire caquetait.

— Va-t’en, ma fille, va-t’en, monsieur ne veut dépenser que cinq francs. Et la poule parut avoir compris sa maîtresse, car, après être venue à un pas des cartes, elle alla se remettre gravement à sa place. — Quelle fleur aimez-vous ? demanda la vieille d’une voix enrouée par les humeurs qui montaient et descendaient incessamment dans ses bronches.

— La rose.

— Quelle couleur affectionnez-vous ?

— Le bleu.

— Quel animal préférez-vous ?

— Le cheval. Pourquoi ces questions ? demanda-t-il à son tour.

— L’homme tient à toutes les formes par ses états antérieurs, dit-elle sentencieusement ; de là viennent ses instincts, et ses instincts dominent sa destinée. — Que mangez-vous avec le plus de