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regardait son châle, elle m’a dit : — Décidément gardez votre voiture, monsieur, je prends le châle. Pendant que monsieur Bigorneau, dit-il en montrant le commis romanesque, lui dépliait des châles, j’examinais ma femme, elle vous lorgnait pour savoir quelle idée vous aviez d’elle, elle s’occupait beaucoup plus de vous que des châles. Les Anglaises ont un dégoût particulier (car on ne peut pas dire un goût), elles ne savent pas ce qu’elles veulent, et se déterminent à prendre une chose marchandée plutôt par une circonstance fortuite que par vouloir. J’ai reconnu l’une de ces femmes ennuyées de leurs maris, de leurs marmots, vertueuses à regret, quêtant des émotions, et toujours posées en saules pleureurs…

Voilà littéralement ce que dit le chef de l’établissement.

Ceci prouve que dans un négociant de tout autre pays il n’y a qu’un négociant ; tandis qu’en France, et surtout à Paris, il y a un homme sorti d’un collège royal, instruit, aimant ou les arts, ou la pêche, ou le théâtre, ou dévoré du désir d’être le successeur de monsieur Cunin-Cridaine, ou colonel de la garde nationale, ou membre du conseil général de la Seine, ou juge au tribunal de Commerce.

— Monsieur Adolphe, dit la femme du fabricant à son petit commis blond, allez commander une boîte de cèdre chez le tabletier.

— Et, dit le commis en reconduisant Duronceret et Bixiou qui avaient choisi un châle pour madame Schontz, nous allons voir parmi nos vieux châles celui qui peut jouer le rôle du châle-Sélim.

Paris, novembre 1844.