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amis, Du Tillet et Nucingen ; mais, en 1829, son rôle fut si connu que…

— Nos amis l’ont lâché, dit Bixiou.

— Enfin ils l’abandonnèrent à sa destinée ; et, reprit Desroches, il roula dans la fange. En 1833, il s’était associé pour faire des affaires avec un nommé Cérizet…

— Comment ! celui qui, lors des entreprises en commandite en fit une si gentiment combinée que la Sixième Chambre l’a foudroyé par deux ans de prison ? demanda la Lorette.

— Le même, répondit Desroches. Sous la Restauration, le métier de ce Cérizet consista, de 1823 à 1827, à signer intrépidement des articles poursuivis avec acharnement par le Ministère Public, et d’aller en prison. Un homme s’illustrait alors à bon marché. Le parti libéral appela son champion départemental le courageux Cérizet. Ce zèle fut récompensé, vers 1828, par l’intérêt général. L’intérêt général était une espèce de couronne civique décernée par les journaux. Cérizet voulut escompter l’intérêt général ; il vint à Paris, où, sous le patronage des banquiers de la Gauche, il débuta par une agence d’affaires, entremêlée d’opérations de banque, de fonds prêtés par un homme qui s’était banni lui-même, un joueur trop habile, dont les fonds, en juillet 1830, ont sombré de compagnie avec le vaisseau de l’État…

— Eh ! c’est celui que nous avions surnommé la Méthode des cartes… s’écria Bixiou.

— Ne dites pas de mal de ce pauvre garçon, s’écria Malaga. D’Estourny était un bon enfant !

— Vous comprenez le rôle que devait jouer en 1830 un homme ruiné qui se nommait, politiquement parlant, le Courageux-Cérizet ! Il fut envoyé dans une très jolie sous-préfecture, reprit Desroches. Malheureusement pour Cérizet, le pouvoir n’a pas autant d’ingénuité qu’en ont les partis, qui, pendant la lutte, font projectile de tout. Cérizet fut obligé de donner sa démission après trois mois d’exercice ! Ne s’était-il pas avisé de vouloir être populaire ? Comme il n’avait encore rien fait pour perdre son titre de noblesse (le Courageux Cérizet !) le Gouvernement lui proposa, comme indemnité, de devenir gérant d’un journal d’Opposition qui serait ministériel in petto. Ainsi ce fut le Gouvernement qui dénatura ce beau caractère. Cérizet se trouvant un peu trop, dans sa gérance, comme un oiseau sur une branche pourrie, se lança dans cette