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jeune fille mère. L’enfant peu ingénue avoue sa faute à sa mère, bonne bourgeoise qui accourt chez la Palferine et lui demande ce qu’il compte faire. — « Mais, madame, je ne suis ni chirurgien ni sage-femme. » Elle fut foudroyée ; mais elle revint à la charge trois ou quatre ans après, en insistant et demandant toujours à la Palferine ce qu’il comptait faire. — « Oh ! madame, répondit-il, quand cet enfant aura sept ans, âge auquel les enfants passent des mains des femmes entre celles des hommes… (mouvement d’assentiment chez la mère), si l’enfant est bien de moi (geste de la mère), s’il me ressemble d’une manière frappante, s’il promet d’être un gentilhomme, si je reconnais en lui mon genre d’esprit, et surtout l’air Rusticoli, oh ! alors (nouveau mouvement), par ma foi de gentilhomme, je lui donnerai… un bâton de sucre d’orge ! » Tout cela, si vous me permettez d’user du style employé par monsieur Sainte-Beuve pour ses biographies d’inconnus, est le côté enjoué, badin, mais déjà gâté, d’une race forte. Cela sent son Parc-aux-Cerfs plus que son hôtel de Rambouillet. Ce n’est pas la race des doux, j’incline à conclure pour un peu de débauche et plus que je n’en voudrais chez des natures brillantes et généreuses ; mais c’est galant dans le genre de Richelieu, folâtre et peut-être trop dans la drôlerie, c’est peut-être les outrances du dix-huitième siècle ; cela rejoint en arrière les mousquetaires, et cela fait tort à Champcenetz ; mais ce volage tient aux arabesques et aux enjolivements de la vieille cour des Valois. On doit sévir, dans une époque aussi morale que la nôtre, à l’encontre de ces audaces ; mais ce bâton de sucre d’orge peut aussi montrer aux jeunes filles le danger de ces fréquentations d’abord pleines de rêveries, plus charmantes que sévères, roses et fleuries, mais dont les pentes ne sont pas surveillées et qui aboutissent à des excès mûrissants, à des fautes pleines de bouillonnements ambigus, à des résultats trop vibrants. Cette anecdote peint l’esprit vif et complet de la Palferine, car il a l’entre-deux que voulait Pascal ; il est tendre et impitoyable ; il est comme Épaminondas, également grand aux extrémités. Ce mot précise d’ailleurs l’époque ; autrefois il n’y avait pas d’accoucheurs. Ainsi les raffinements de notre civilisation s’expliquent par ce trait qui restera.

— Ah ! ça, mon cher Nathan, quel galimatias me faites-vous là ? demanda la marquise étonnée.

— Madame la marquise, répondit Nathan, vous ignorez la valeur