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la Palferine en devenant aussi Lauzun que Lauzun a jamais pu l’être, un instant, monsieur est-il né ? — Comment, monsieur ? dit le bourgeois. — Oui, êtes-vous né ? Comment vous nommez-vous ? — Godin. — Hein ? Godin ! dit l’ami de la Palferine. — Un instant, mon cher, dit la Palferine en arrêtant son ami, il y a les Trigaudin. En êtes-vous ? (Étonnement du bourgeois.) — Non. Vous êtes alors des nouveaux ducs de Gaëte, façon impériale. Non. Eh ! bien, comment voulez-vous que mon ami, qui sera secrétaire d’ambassade et ambassadeur, et à qui vous devrez un jour du respect, se batte ! Godin ! Cela n’existe pas, vous n’êtes rien, Godin ! Mon ami ne peut pas se battre en l’air. Quand on est quelque chose, on ne se bat qu’avec quelqu’un. Allons, mon cher, adieu ! — Mes respects à madame, » ajouta l’ami. Un jour, la Palferine se promenait avec un de ses amis qui jeta le bout de son cigare au nez d’un passant. Ce passant eut le mauvais goût de se fâcher. — « Vous avez essuyé le feu de votre adversaire, dit le jeune comte, les témoins déclarent que l’honneur est satisfait. » Il devait mille francs à son tailleur, qui, au lieu de venir lui-même, envoya un matin son premier commis chez la Palferine. Ce garçon trouve le débiteur malheureux au sixième étage au fond d’une cour, en haut du faubourg du Roule. Il n’y avait pas de mobilier dans la chambre, mais un lit, et quel lit ! une table, et quelle table ! La Palferine entend la demande saugrenue, et que je qualifierais, nous dit-il, d’illicite, faite à sept heures du matin. — « Allez dire à votre maître, répondit-il avec le geste et la pose de Mirabeau, l’état dans lequel vous m’avez trouvé ! » Le commis recule en faisant des excuses. La Palferine voit le jeune homme sur le palier, il se lève dans l’appareil illustré par les vers de Britannicus, et lui dit : — « Faites attention à l’escalier ! Remarquez bien l’escalier, afin de ne pas oublier de lui parler de l’escalier. » En quelque situation que l’ait jeté le hasard, la Palferine ne s’est jamais trouvé ni au-dessous de la crise, ni sans esprit, ni de mauvais goût. Il déploie toujours et en tout le génie de Rivarol et la finesse du grand seigneur français. C’est lui qui a trouvé la délicieuse histoire sur l’ami du banquier Laffitte venant au bureau de la souscription nationale proposée pour conserver à ce banquier son hôtel où se brassa la révolution de 1830, et disant : Voici cinq francs, rendez-moi cent sous. On en a fait une caricature. Il eut le malheur, en style d’acte d’accusation, de rendre une