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dans ses conseils, dans l’administration générale, dans des négociations hérissées de difficultés ou pleines de périls, dans le gouvernement des pays conquis, et partout elle répondait à son attente ! Les jeunes gens étaient pour lui les missi dominici de Charlemagne. » Ce mot de Bohême vous dit tout. La Bohême n’a rien et vit de ce qu’elle a. L’Espérance est sa religion, la Foi en soi-même est son code, la Charité passe pour être son budget. Tous ces jeunes gens sont plus grands que leur malheur, au-dessous de la fortune, mais au-dessus du destin. Toujours à cheval sur un si, spirituels comme des feuilletons, gais comme des gens qui doivent, oh ! ils doivent autant qu’ils boivent ! enfin, et c’est là où j’en veux venir, ils sont tous amoureux, mais amoureux ?… figurez-vous Lovelace, Henri IV, le Régent, Werther, Saint-Preux, René, le maréchal de Richelieu réunis dans un seul homme, et vous aurez une idée de leur amour ! Et quels amoureux ? Éclectiques par excellence en amour, ils vous servent une passion comme une femme peut la vouloir ; leur cœur ressemble à une carte de restaurant, ils ont mis en pratique, sans le savoir et sans l’avoir lu peut-être, le livre de l’Amour par Stendahl ; ils ont la section de l’amour-goût, celle de l’amour-passion, l’amour-caprice, l’amour cristallisé, et surtout l’amour passager. Tout leur est bon, ils ont créé ce burlesque axiome : Toutes les femmes sont égales devant l’homme. Le texte de cet article est plus vigoureux ; mais comme, selon moi, l’esprit en est faux, je ne tiens pas à la lettre. Madame, mon ami se nomme Gabriel-Jean-Anne-Victor-Benjamin-Georges-Ferdinand-Charles-Edouard Rusticoli, comte de la Palferine. Les Rusticoli, arrivés en France avec Catherine de Médicis, venaient alors d’être dépossédés d’une souveraineté minime en Toscane. Un peu parents des d’Este, ils se sont alliés aux Guise. Ils ont tué beaucoup de Protestants à la Saint-Barthélemy, et Charles IX leur a donné l’héritière du comté de la Palferine, confisqué sur le duc de Savoie, et que Henri IV leur a racheté tout en leur en laissant le titre. Ce grand Roi fit la sottise de rendre ce fief au duc de Savoie. En échange, les comtes de la Palferine qui portaient avant que les Medici eussent des armes, d’argent à la croix fleurdelysée d’azur (la croix fut fleurdelysée par lettres patentes de Charles IX), sommé d’une couronne de comte et deux paysans pour supports, avec IN HOC SIGNO VINCIMUS pour devise, ont eu deux Charges de la Couronne et un gouvernement. Ils ont joué le plus beau rôle sous