êtes un brave garçon, vous ! Vous êtes un homme d’ordre, et je viens vous apporter une bonne affaire.
— Timeo Danaos et dona ferentes, dit Fougères. Savez-vous le latin ?
— Non.
— Eh ! bien, cela veut dire que les Grecs ne proposent pas de bonnes affaires aux Troyens sans y gagner quelque chose. Autrefois ils disaient : Prenez mon cheval ! Aujourd’hui nous disons : Prenez mon ours…. Que voulez-vous, Ulysse-Lageingeole-Élias Magus ?
Ces paroles donnent la mesure de la douceur et de l’esprit avec lesquels Fougères employait ce que les peintres appellent les charges d’atelier.
— Je ne dis pas que vous ne me ferez pas deux tableaux gratis.
— Oh ! oh !
— Je vous laisse le maître, je ne les demande pas. Vous êtes un honnête artiste.
— Au fait ?
— Hé ! bien, j’amène un père, une mère et une fille unique.
— Tous uniques !
— Ma foi, oui !… et dont les portraits sont à faire. Ces bourgeois, fous des arts, n’ont jamais osé s’aventurer dans un atelier. La fille a une dot de cent mille francs. Vous pouvez bien peindre ces gens-là ! ce sera peut-être pour vous des portraits de famille.
Ce vieux bois d’Allemagne, qui passe pour un homme et qui se nomme Élias Magus, s’interrompit pour rire d’un sourire sec dont les éclats épouvantèrent le peintre. Il crut entendre Méphistophélès parlant mariage.
— Les portraits sont payés cinq cents francs pièce, vous pouvez me faire trois tableaux.
— Mai-z-oui, dit gaiement Fougères.
— Et si vous épousez la fille, vous ne m’oublierez pas.
— Me marier, moi ? s’écria Pierre Grassou, moi qui ai l’habitude de me coucher tout seul, de me lever de bon matin, qui ai ma vie arrangée….
— Cent mille francs, dit Magus, et une fille douce, pleine de tons dorés comme un vrai Titien !
— Quelle est la position de ces gens-là !
— Anciens négociants ; pour le moment, aimant les arts, ayant