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gagneront vingt-cinq fin du trimestre, vous savez pourquoi, on distribue un magnifique dividende. — Finaud, dit Werbrust, allez, allez votre train, vous êtes un diable qui avez les griffes longues, pointues, et vous les plongez dans du beurre. — Mais laissez-moi donc dire, ou nous n’aurons pas le temps d’opérer. Je viens de trouver mon idée en apprenant la nouvelle, et j’ai positivement vu madame de Nucingen dans les larmes, elle a peur pour sa fortune. — Pauvre petite ! dit Werbrust d’un air ironique. Hé ! bien ? reprit l’ancien juif d’Alsace en interrogeant du Tillet qui se taisait. — Hé ! bien, il y a chez moi mille actions de mille francs que Nucingen m’a remises à placer, comprenez-vous ? — Bon ! — Achetons à dix, à vingt pour cent de remise, du papier de la maison Nucingen pour un million, nous gagnerons une belle prime sur ce million, car nous serons créanciers et débiteurs, la confusion s’opérera ! mais agissons finement, les détenteurs pourraient croire que nous manœuvrons dans les intérêts de Nucingen. Werbrust comprit alors le tour à faire et serra la main de du Tillet en lui jetant le regard d’une femme qui fait une niche à sa voisine. — Hé ! bien, vous savez la nouvelle, leur dit Martin Falleix, la maison Nucingen suspend ? — Bah ! répondit Werbrust, n’ébruitez donc pas cela, laissez les gens qui ont de son papier faire leurs affaires. — Savez-vous la cause du désastre ?… dit Claparon en intervenant. — Toi, tu ne sais rien, lui dit du Tillet, il n’y aura pas le moindre désastre, il y aura un paiement intégral. Nucingen recommencera les affaires et trouvera des fonds tant qu’il en voudra chez moi. Je sais la cause de la suspension : il a disposé de tous ses capitaux en faveur du Mexique qui lui retourne des métaux, des canons espagnols si sottement fondus qu’il s’y trouve de l’or, des cloches, des argenteries d’église, toutes les démolitions de la monarchie espagnole dans les Indes. Le retour de ces valeurs tarde. Le cher baron est gêné, voilà tout. — C’est vrai, dit Werbrust, je prends son papier à vingt pour cent d’escompte. La nouvelle circula dès lors avec la rapidité du feu sur une meule de paille. Les choses les plus contradictoires se disaient. Mais il y avait une telle confiance en la maison Nucingen, toujours à cause des deux précédentes liquidations, que tout le monde gardait le papier Nucingen. — Il faut que Palma nous donne un coup de main, dit Werbrust. Palma était l’oracle des Keller, gorgés de valeurs Nucingen. Un mot d’alarme dit par lui suffisait. Werbrust obtint de Palma