En entrant, Corentin et Derville, après avoir salué la compagnie et décliné leurs noms, demandèrent à parler en particulier à madame Séchard et à son mari.
— Volontiers, dit Séchard. Mais, est-ce pour affaires ?
— Uniquement pour la succession de monsieur votre père, répondit Corentin.
— Permettez alors que monsieur le maire, qui est un ancien avoué d’Angoulême, assiste à la conférence.
— Vous êtes monsieur Derville ?… dit Cachan en regardant Corentin.
— Non, monsieur, c’est monsieur, répondit Corentin en montrant l’avoué qui salua.
— Mais, dit Séchard, nous sommes en famille, nous n’avons rien de caché pour nos voisins, nous n’avons pas besoin d’aller dans mon cabinet où il n’y a pas de feu… Notre vie est au grand jour…
— Celle de monsieur votre père, dit Corentin, a eu quelques mystères que, peut-être, vous ne seriez pas bien aise de publier.
— Est-ce donc une chose qui puisse nous faire rougit ?… dit Ève effrayée.
— Oh ! non, c’est une peccadille de jeunesse, dit Corentin en tendant avec le plus grand sang-froid une de ses mille souricières. Monsieur votre père vous a donné un frère aîné…
— Ah ! le vieil ours ! cria Courtois, il ne vous aimait guère, monsieur Séchard, et il vous a gardé cela, le sournois… Ah ! je comprends maintenant ce qu’il voulait dire, quand il me disait : — Vous en verrez de belles lorsque je serai enterré !
— Oh ! rassurez-vous, monsieur, dit Corentin à Séchard en étudiant Ève par un regard de côté.
— Un frère ! s’écria le médecin, mais voilà votre succession partagée en deux !…
Derville affectait de regarder les belles gravures avant la lettre qui se trouvaient exposées sur les panneaux du salon.
— Oh ! rassurez-vous, madame, dit Corentin en voyant la surprise qui parut sur la belle figure de madame Séchard, il ne s’agit que d’un enfant naturel. Les droits d’un enfant naturel ne sont pas ceux d’un enfant légitime. Cet enfant est dans la plus profonde misère, il a droit à une somme basée sur l’importance de la succession… Les millions laissés par monsieur votre père…