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tous les petits bonheurs d’un homme qui se marie. On ressemble alors à ces oiseaux qui font leurs nids au printemps, vont et viennent, ramassent des brins de paille, les portent dans leur bec, et cotonnent le domicile de leurs œufs. Le futur d’Isaure avait loué rue de la Planche un petit hôtel de mille écus, commode, convenable, ni trop grand, ni trop petit. Il allait tous les matins voir les ouvriers travaillant, et y surveiller les peintures. Il y avait introduit le comfort, la seule bonne chose qu’il y ait en Angleterre : calorifère pour maintenir une température égale dans la maison ; mobilier bien choisi, ni trop brillant, ni trop élégant ; couleurs fraîches et douces à l’œil, stores intérieurs et extérieurs à toutes les croisées ; argenterie, voitures neuves. Il avait fait arranger l’écurie, la sellerie, les remises où Toby, Joby, Paddy se démenait et frétillait comme une marmotte déchaînée, en paraissant très-heureux de savoir qu’il y aurait des femmes au logis et une lady ! Cette passion de l’homme qui se met en ménage, qui choisit des pendules, qui vient chez sa future les poches pleines d’échantillons d’étoffes, la consulte sur l’ameublement de la chambre à coucher, qui va, vient, trotte, quand il va, vient et trotte animé par l’amour, est une des choses qui réjouissent le plus un cœur honnête et surtout les fournisseurs. Et comme rien ne plaît plus au monde que le mariage d’un joli jeune homme de vingt-sept ans avec une charmante personne de vingt ans qui danse bien, Godefroid, embarrassé pour la corbeille, invita Rastignac et madame de Nucingen à déjeuner, pour les consulter sur cette affaire majeure. Il eut l’excellente idée de prier son cousin d’Aiglemont et sa femme, ainsi que madame de Serisy. Les femmes du monde aiment assez à se dissiper une fois par hasard chez les garçons, à y déjeuner.

— C’est leur école buissonnière, dit Blondet.

— On devait aller voir rue de la Planche le petit hôtel des futurs époux, reprit Bixiou. Les femmes sont pour ces petites expéditions comme les ogres pour la chair fraîche, elles rafraîchissent leur présent de cette jeune joie qui n’est pas encore flétrie par la jouissance. Le couvert fut mis dans le petit salon qui, pour l’enterrement de la vie de garçon, fut paré comme un cheval de cortége. Le déjeuner fut commandé de manière à offrir ces jolis petits plats que les femmes aiment à manger, croquer, sucer le matin, temps où elles ont un effroyable appétit, sans vouloir l’avouer, car