mandataire pourra trouver de Saint-Estèves à m’envoyer… Enfin, pour terminer d’un coup votre estimable négociation, sachez que moi, Lucien de Rubempré, je ne crains personne, attendu que je ne suis pour rien dans les tripotages dont vous me parlez ; que, si la maison de Grandlieu fait la difficile, il y a d’autres jeunes personnes très nobles à épouser, et qu’en somme il n’y a pas d’affront pour moi à rester garçon, surtout en faisant, comme vous le croyez, la traite des blanches avec de pareils bénéfices.
— Si monsieur l’abbé Carlos Herrera…
— Monsieur, dit Lucien en interrompant Corentin, l’abbé Carlos Herrera se trouve en ce moment sur la route d’Espagne ! il n’a rien à faire à mon mariage, ni rien à voir dans mes intérêts. Cet homme d’État a bien voulu m’aider pendant longtemps de ses conseils, mais il a des comptes à rendre à Sa Majesté le roi d’Espagne ; si vous avez à causer avec lui, je vous engage à prendre le chemin de Madrid.
— Monsieur, dit nettement Corentin, vous ne serez jamais le mari de mademoiselle Clotilde de Grandlieu.
— Tant pis pour elle, répondit Lucien en poussant vers la porte Corentin avec impatience.
— Avez-vous bien réfléchi ? dit froidement Corentin.
— Monsieur, je ne vous reconnais ni le droit de vous mêler de mes affaires ni celui de me faire perdre une cigarette, dit Lucien en jetant sa cigarette éteinte.
— Adieu, monsieur, dit Corentin. Nous ne nous reverrons plus… mais il y aura certes un moment de votre vie où vous donnerez la moitié de votre fortune pour avoir eu l’idée de me rappeler sur l’escalier.
En réponse à cette menace, l’abbé fit le geste de couper une tête. — À l’ouvrage, maintenant ! s’écria-t-il en regardant Lucien devenu blême après cette terrible conférence.
Si, dans le nombre, assez restreint, des lecteurs qui s’occupent de la partie morale et philosophique d’un livre, il s’en trouvait un seul capable de croire à la satisfaction du baron de Nucingen, celui-là prouverait combien il est difficile de soumettre le cœur d’une fille à des maximes physiologiques quelconques. Esther avait résolu de faire payer cher au pauvre millionnaire ce que le millionnaire appelait son chour te driomphe. Aussi, dans les premiers jours de février 1830, la crémaillère n’avait-elle pas encore