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— Monsieur le baron de Nucingen !…

Au geste que fit Louchard, les recors évacuèrent l’appartement en se découvrant tous avec respect. Contenson seul resta.

— Monsieur le baron paye-t-il ?… demanda le Garde qui avait son chapeau à la main.

Je baye, répondit-il, mais engore vaud-il saffoir de guoi il s’achit.

— Trois cent douze mille francs et des centimes, frais liquidés ; mais l’arrestation n’est pas comprise.

Drois sante mille vrans ! s’écria le baron. — C’esde ein reffeille drop cher bir ein ôme qui a bassé la nuid sir ein ganabé, ajouta-t-il à l’oreille d’Europe.

— Cet homme est-il bien le baron de Nucingen ? dit Europe à Louchard en commentant son doute par un geste que mademoiselle Dupont, la dernière soubrette du Théâtre-Français, eût envié.

— Oui, mademoiselle, dit Louchard.

— Oui, répondit Contenson.

Che rebont t’elle, dit le baron à Louchard, laissez-moi lui tire ein mode.

Esther et son vieil amoureux entrèrent dans la chambre, à la serrure de laquelle Louchard trouva nécessaire d’appliquer son oreille.

Che fus aime blis que ma fie, Esder ; mais birquoi tonner à fos gréanciers te l’archande qui seraid invinimente miex tans fodre birse ? Halez an brison : che me vais vort te rageder ces sante mille égus afec sante mile vrans, et fus aurez teux sante mile vrans pir fus…

— Ce système, lui cria Louchard, est inutile. Le créancier n’est pas amoureux de mademoiselle, lui !… Vous comprenez ? Et il veut plus que tout, depuis qu’il sait que vous êtes épris d’elle.

Fitu pedad ! s’écria Nucingen à Louchard en ouvrant la porte et l’introduisant dans la chambre, ti ne sais ce que du tis ! Che te tonne, à doi, fint pir sant, zi tu vais l’avvaire…

— Impossible, monsieur le baron.

— Comment monsieur ? vous auriez le cœur, dit Europe en intervenant, de laisser aller ma maîtresse en prison !… Mais voulez-vous mes gages, mes économies ? prenez-les, madame, j’ai quarante mille francs…