— Je suis étonné de voir à d’Estourny autant de défiance de moi, reprit Cérizet.
— Il sait bien des choses, répondit l’Espagnol ; mais ne le blâmez pas d’avoir mis ses œufs dans plusieurs paniers.
— Est-ce que vous croiriez ?… demanda le petit faiseur d’affaires en rendant au faux Anglais les lettres de change acquittées et en règle.
— … Je crois que vous garderez bien ses fonds ? dit le faux Anglais, j’en suis sûr ! ils sont déjà jetés sur le tapis vert de la Bourse.
— Ma fortune est intéressée à…
— À les perdre ostensiblement, dit William Barker.
— Monsieur !… s’écria Cérizet.
— Tenez, mon cher monsieur Cérizet, dit froidement Barker en interrompant Cérizet, vous me rendriez un service en me facilitant cette rentrée. Ayez la complaisance de m’écrire une lettre où vous disiez que vous me remettez ces valeurs acquittées pour le compte de d’Estourny, et que l’huissier poursuivant devra considérer le porteur de la lettre comme le possesseur de ces trois traites.
— Voulez-vous me dire vos noms ?
— Pas de nom ! répondit le faux Anglais. Mettez : Le porteur de cette lettre et des valeurs… Vous allez être bien payé de cette complaisance…
— Et comment ?… dit Cérizet.
— Par un seul mot. Vous resterez en France, n’est-ce pas ?…
— Oui, monsieur.
— Eh ! bien, jamais Georges d’Estourny n’y rentrera.
— Et pourquoi ?
— Il y a plus de cinq personnes qui, à ma connaissance, l’assassineraient, et il le sait.
— Je ne m’étonne plus qu’il me demande de quoi faire une pacotille pour les Indes ! s’écria Cérizet. Et il m’a malheureusement obligé d’engager tout dans les fonds. Nous sommes déjà débiteurs de différences. Je vis au jour le jour.
— Tirez votre épingle du jeu !
— Ah ! si j’avais su cela plus tôt ! s’écria Cérizet. J’ai manqué ma fortune…
— Un dernier mot ?… dit Barker : Discrétion !… vous en êtes capable ; mais, ce qui peut-être est moins sûr, fidélité. Nous nous reverrons, et je vous ferai faire fortune.