Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/470

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rade en faisant allusion à l’affaire Simeuse. (Voir UNE TÉNÉBREUSE AFFAIRE.) Mais, voyons, Contenson, qu’arrive-t-il ?

— Voici ce qui arrive, reprit Contenson. J’ai fait jaser Georges en lui faisant payer des petits verres d’une infinité de couleurs, il en est resté gris ; quant à moi, je dois être comme un alambic ! Notre baron est allé rue Taitbout, bourré de pastilles du sérail. Il y a trouvé la belle femme que vous savez. Mais une bonne farce : cette Anglaise n’est pas son ingonnie !… Et il a dépensé trente mille francs pour séduire la femme de chambre. Une bêtise. Ça se croit grand parce que ça fait de petites choses avec de grands capitaux ; retournez la phrase, et vous trouvez le problème que résout l’homme de génie. Le baron est revenu dans un état à faire pitié. Le lendemain Georges, pour faire son bon apôtre, dit à son maître : —  Pourquoi monsieur se sert-il de gens de sac et de corde ? Si monsieur voulait s’en rapporter à moi, je lui trouverais son inconnue, car la description que monsieur m’en a faite me suffit, je remuerai tout Paris. — Va, lui dit le baron, je te récompenserai bien ! Georges m’a raconté tout cela, entremêlé des détails les plus saugrenus. Mais… l’on est fait à recevoir la pluie ! Le lendemain, le baron reçut une lettre anonyme où on lui disait quelque chose comme : « Monsieur de Nucingen se meurt d’amour pour une inconnue, il a déjà dépensé beaucoup d’argent en pure perte ; s’il veut se trouver ce soir, à minuit, au bout du pont de Neuilly, et monter dans la voiture derrière laquelle sera le chasseur du bois de Vincennes, en se laissant bander les yeux, il verra celle qu’il aime… Comme sa fortune peut lui donner des craintes sur la pureté des intentions de ceux qui procèdent ainsi, monsieur le baron peut se faire accompagner de son fidèle Georges. Il n’y aura d’ailleurs personne dans la voiture. » Le baron y va, sans rien dire à Georges, avec Georges. Tous deux se laissent bander les yeux et couvrir la tête d’un voile. Le baron reconnaît le chasseur. Deux heures après, la voiture, qui marchait comme une voiture à Louis XVIII (que Dieu ait son âme ! il se connaissait en police, ce roi-là !) arrête au milieu d’un bois. Le baron, à qui l’on ôte son bandeau, voit dans une voiture arrêtée son inconnue, qui… psit !… disparaît aussitôt. Et la voiture (même train que Louis XVIII) le ramène au pont de Neuilly, où il retrouve sa voiture. On avait mis dans la main de Georges un petit billet ainsi conçu : « Combien de billets de mille francs monsieur le baron lâche-t-il pour être mis en rapport avec son incon-