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dans une seule pensée tout le parti qu’un homme de sa trempe devait tirer de la pauvre Esther.

— Va, dit-il à Lucien, le diable protège son aumônier.

— Tu fumes sur une poudrière.

Incedo per ignes ! répondit le faux prêtre en souriant, c’est mon métier.

La maison de Grandlieu s’est partagée en deux branches vers le milieu du dernier siècle : d’abord la maison ducale condamnée à finir, puisque le duc actuel n’a eu que des filles ; puis les vicomtes de Grandlieu qui doivent hériter du titre et des armes de leur branche aînée. La branche ducale porte de gueules, à trois doullouères, ou haches d’armes d’or mises en fasce, avec le fameux Caveo non Timeo ! pour devise, qui est toute l’histoire de cette maison. L’écusson des vicomtes est écartelé de Navarreins qui est de gueules, à la fasce crénelée d’or, et timbré du casque de chevalier avec Grands faits, Grand lieu ! pour devise. La vicomtesse actuelle, veuve depuis 1813, a un fils et une fille. Quoique revenue quasi ruinée de l’émigration, elle a retrouvé, par suite du dévouement d’un avoué, de Derville, une fortune assez considérable. Rentrés en 1804, le duc et la duchesse de Grandlieu furent l’objet des coquetteries de l’empereur ; aussi Napoléon, qui les eut à sa cour, rendit-il tout ce qui se trouvait à la maison de Grandlieu dans le Domaine, environ quarante mille livres de rentes. De tous les grands seigneurs du faubourg Saint-Germain qui se laissèrent séduire par Napoléon, le duc et la duchesse (une Ajuda de la branche aînée, alliée aux Bragance) furent les seuls qui ne renièrent pas l’Empereur ni ses bienfaits. Louis XVIII eut égard à cette fidélité lorsque le faubourg Saint-Germain en fit un crime aux Grandlieu ; mais peut-être, en ceci, Louis XVIII voulait-il uniquement taquiner Monsieur. On regardait comme probable le mariage du jeune vicomte de Grandlieu avec Marie-Athénaïs, la dernière fille du duc, alors âgée de neuf ans. Sabine, l’avant-dernière, épousa le baron du Guénic, après la Révolution de Juillet. Joséphine, la troisième, devint madame d’Ajuda-Pinto, quand le marquis perdit sa première femme, mademoiselle de Rochefide (alias Rochegude). L’aînée avait pris le voile en 1822. La seconde, mademoiselle Clotilde-Frédérique, en ce moment, à l’âge de vingt-sept ans, était profondément éprise de Lucien de Rubempré. Il ne faut pas demander si l’hôtel du duc de Grandlieu, l’un des plus beaux