infamies… Il s’agit de mon beau moi, de toi qui ne dois jamais être soupçonné. Le hasard nous a mieux servis que ma pensée, qui, depuis deux mois, travaillait dans le vide.
En jetant ces terribles phrases une à une, comme des coups de pistolet, le faux abbé s’habillait et se disposait à sortir.
— Ta joie est visible, s’écria Lucien, tu n’as jamais aimé la pauvre Esther, et tu vois arriver avec délices le moment de t’en débarrasser.
— Tu ne t’es jamais lassé de l’aimer, n’est-ce pas ?… Eh ! bien, je ne me suis jamais lassé de l’exécrer. Mais n’ai-je pas agi toujours comme si j’étais attaché sincèrement à cette fille, moi qui, par Asie, tenais sa vie entre mes mains ! Quelques mauvais champignons dans un ragoût, et tout eût été dit… Mademoiselle Esther vit, cependant !… elle est heureuse parce que tu l’aimes ! Ne fais pas l’enfant. Voici quatre ans que nous attendons un hasard pour ou contre nous, eh ! bien, il faut déployer plus que du talent pour éplucher le légume que nous jette aujourd’hui le sort : il y a dans ce coup de roulette du bon et du mauvais, comme dans tout. Sais-tu à quoi je pensais au moment où tu es entré ?
— Non…
— À me rendre, ici comme à Barcelone, héritier d’une vieille dévote, à l’aide d’Asie…
— Un crime ?
— Il ne me restait plus que cette ressource pour assurer ton bonheur. Les créanciers se remuent. Une fois poursuivi par des huissiers et chassé de l’hôtel de Grandlieu, que serais-tu devenu ? L’échéance du diable serait arrivée.
Le faux prêtre peignit par un geste le suicide d’un homme qui se jette à l’eau, puis il arrêta sur Lucien un de ces regards fixes et pénétrants qui font entrer la volonté des gens forts dans l’âme des gens faibles. Ce regard fascinateur, qui eut pour effet de détendre toute résistance, annonçait entre Lucien et le faux abbé, non-seulement des secrets de vie et de mort, mais encore des sentiments aussi supérieurs aux sentiments ordinaires que cet homme l’était à la bassesse de sa position.
Contraint à vivre en dehors du monde où la loi lui interdisait à jamais de rentrer, épuisé par le vice et par de furieuses, par de terribles résistances, mais doué d’une force d’âme qui le rongeait, ce personnage ignoble et grand, obscur et célèbre, dévoré surtout