femme une sorte de joujou, de la prendre, quitter, reprendre et porter sans fatigue. Sa peau fine comme du papier de Chine et d’une chaude couleur d’ambre nuancée par des veines rouges, était luisante sans sécheresse, douce sans moiteur. Nerveuse à l’excès, mais délicate en apparence, Esther attirait soudain l’attention par un trait remarquable dans les figures que le dessin de Raphaël a le plus artistement coupées, car Raphaël est le peintre qui a le plus étudié, le mieux rendu la beauté juive. Ce trait merveilleux était produit par la profondeur de l’arcade sous laquelle l’œil roulait comme dégagé de son cadre, et dont la courbe ressemblait par sa netteté à l’arête d’une voûte. Quand la jeunesse revêt de ses teintes pures et diaphanes ce bel arc, surmonté de sourcils à racines perdues ; quand la lumière en se glissant dans le sillon circulaire de dessous, y reste d’un rose clair, il y a là des trésors de tendresse à contenter un amant, des beautés désespérer la peinture. C’est le dernier effort de la nature que ces plis lumineux où l’ombre prend des teintes dorées, que ce tissu qui a la consistance d’un nerf et la flexibilité de la plus délicate membrane. L’œil au repos est là-dedans comme un œuf miraculeux dans un nid de brins de soie. Mais plus tard cette merveille devient d’une horrible mélancolie, quand les passions ont charbonné ces contours si déliés, quand les douleurs ont ridé ce réseau de fibrilles. L’origine d’Esther se trahissait dans cette coupe orientale de ses yeux à paupières turques, et dont la couleur était un gris d’ardoise qui contractait, aux lumières, la teinte bleue des ailes noires du corbeau. L’excessive tendresse de son regard pouvait seule en adoucir l’éclat. Il n’y a que les races venues des déserts qui possèdent dans l’œil le pouvoir de la fascination sur tous, car une femme fascine toujours quelqu’un. Leurs yeux retiennent sans doute quelque chose de l’infini qu’ils ont contemplé. La nature, dans sa prévoyance, a-t-elle donc armé leurs rétines de quelque tapis réflecteur, pour leur permettre de soutenir le mirage des sables, les torrents du soleil et l’ardent cobalt de l’éther ? ou les êtres humains prennent-ils, comme les autres, quelque chose aux milieux dans lesquels ils se développent, et gardent-ils pendant des siècles les qualités qu’ils en tirent ! Cette grande solution du problème des races est peut-être dans la question elle-même. Les instincts sont des faits vivants dont la cause gît dans une nécessité subie. Les variétés animales sont le résultat de l’exercice de ces instincts. Pour se convaincre
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