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feraient mieux et plus promptement que mille employés à douze cents francs.

CLERGEOT.

Peut-être a-t-il raison.

LE MINISTRE.

Que voulez-vous ? la machine est montée ainsi, il faudrait la briser et la refaire ; qui donc en aura le courage en présence de la Tribune, sous le feu des sottes déclamations de l’Opposition, ou des terribles articles de la Presse ? Il s’ensuit qu’un jour il y aura quelque solution de continuité dommageable entre le Gouvernement et l’Administration.

LE DÉPUTÉ.

Qu’arriverait-il ?

LE MINISTRE.

Un ministre voudra le bien sans pouvoir l’accomplir. Vous aurez créé des lenteurs interminables entre les choses et les résultats. Si vous avez rendu le vol d’un écu vraiment impossible, vous n’empêcherez pas les collusions dans la sphère des intérêts. On ne concédera certaines opérations qu’après des stipulations secrètes, qu’il sera difficile de surprendre. Enfin les employés, depuis le plus petit jusqu’au chef de bureau, vont avoir des opinions à eux, ils ne seront plus les mains d’une cervelle, ils ne représenteront plus la pensée du Gouvernement, l’Opposition tend à leur donner le droit de parler contre lui, voter contre lui, juger contre lui.

BAUDOYER (tout bas, mais de manière à être entendu).

Monseigneur est sublime.

DES LUPEAULX.

Certes, la bureaucratie a des torts : je la trouve et lente et insolente, elle enserre un peu trop l’action ministérielle, elle étouffe bien des projets, elle arrête le progrès ; mais l’administration française est admirablement utile…

BAUDOYER.

Certes !

DES LUPEAULX.

Ne fût-ce qu’à soutenir la papeterie et le timbre. Si, comme les excellentes ménagères, elle est un peu taquine, elle peut, à toute heure, rendre compte de sa dépense. Quel est le négociant habile qui ne jetterait pas joyeusement, dans le gouffre d’une assurance quelconque, cinq pour cent de toute sa production, du capital qui