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tière bureaucratique un être neutre. Le gabelou est à moitié employé, il est sur les confins des bureaux et des armes, comme sur les frontières : ni tout à fait soldat, ni tout à fait employé. Mais, papa, où allons-nous ? (Il tortille le bouton.) Où cesse l’employé ? Question grave ! Un préfet est-il un employé ?

POIRET (timidement).

C’est un fonctionnaire.

BIXIOU.

Ah ! vous arrivez à ce contre-sens qu’un fonctionnaire ne serait pas un employé !…

POIRET (fatigué regarde tous les employés).

Monsieur Godard a l’air de vouloir dire quelque chose.

GODARD.

L’employé serait l’Ordre et le fonctionnaire un Genre.

BIXIOU (souriant).

Je ne vous croyais pas capable de cette ingénieuse distinction, brave Sous-Ordre.

POIRET.

Où allons-nous ?…

BIXIOU.

Là, là… papa, ne marchons pas sur notre longe… Écoutez, et nous finirons par nous entendre. Tenez, posons un axiome que je lègue aux Bureaux !…

Où finit l’employé commence le fonctionnaire, où finit le fonctionnaire commence l’homme d’État.

Il se rencontre cependant peu d’hommes d’État parmi les préfets. Le préfet serait alors un neutre des Genres supérieurs. Il se trouverait entre l’homme d’État et l’employé, ce que le douanier se trouve entre le civil et le militaire. Continuons à débrouiller ces hautes questions. (Poiret devient rouge.) Ceci ne peut-il pas se formuler par cette maxime digne de Larochefoucault : Au-dessus de vingt mille francs d’appointements, il n’y a plus d’employés. Nous pouvons mathématiquement en tirer ce premier corollaire : L’homme d’État se déclare dans la sphère des traitements supérieurs. Et ce non moins important et logique deuxième corollaire : Les Directeurs généraux peuvent être des hommes d’État. Peut-être est-ce dans ce sens que plus d’un député se dit : — C’est un bel état que d’être directeur général ! Mais, dans l’intérêt de la langue française et de l’Académie…