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moi trouver un biais pour vous en dispenser. Allez chez le Roi, je suis sûr que vous trouverez des personnes contentes de votre concession à propos de Baudoyer, vous obtiendrez quelque chose en échange. Puis, sous serez bien fort plus tard en destituant ce sot, puisqu’on vous l’aura pour ainsi dire imposé.

— Qui vous a fait changer ainsi sur le compte de Rabourdin ?

— Aideriez-vous monsieur de Chateaubriand à faire un article contre le ministère ? Eh ! bien, voici comment Rabourdin me traite dans son État, dit-il en donnant sa note au ministre. Il organise un gouvernement tout entier, sans doute au profit d’une société que nous ne connaissons pas. Je vais rester son ami pour le surveiller : je crois que je rendrai quelque grand service qui me mènera à la Pairie, car la Pairie est le seul objet de mes désirs. Sachez-le bien, je ne veux ni ministère ni quoi que ce soit qui puisse vous contrarier, je vise à la Pairie qui me permettra d’épouser la fille de quelque maison de banque avec deux cent mille livres de rente. Ainsi, laissez-moi vous rendre quelques grands services qui fassent dire au Roi que j’ai sauvé le trône. Il y a long-temps que je le dis : le libéralisme ne nous livrera plus de bataille rangée ; il a renoncé aux conspirations, au carbonarisme, aux prises d’armes, il mine en dessous et se prépare à un complet Ote-toi de là que je m’y mette ! Croyez-vous que je me sois fait le courtisan de la femme d’un Rabourdin pour mon plaisir ? non, j’avais des renseignements ! Ainsi deux choses aujourd’hui : l’ajournement des nominations, et votre coopération sincère à mon élection. Vous verrez si vers la fin de la session je ne vous aurai pas largement payé ma dette.

Pour toute réponse, le ministre prit le travail du Personnel et le tendit à des Lupeaulx.

— Je vais faire dire à Rabourdin, reprit des Lupeaulx, que vous remettez le travail à samedi.

Le ministre consentit par un signe de tête. Le garçon du secrétariat traversa bientôt les cours et vint chez Rabourdin pour le prévenir que le travail était remis à samedi, jour où la Chambre ne s’occupait que de pétitions et où le ministre avait toute sa journée. En ce moment même, Saillard glissait sa phrase à la femme du ministre, qui lui répondit avec dignité qu’elle ne se mêlait point d’affaires d’État et que d’ailleurs elle avait entendu dire que monsieur Rabourdin était nommé. Saillard épouvanté monta chez Baudoyer et trouva Dutocq, Godard et Bixiou dans un état d’exaspéra-