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teux, un Derville enfin. Puis il y a l’avoué famélique à qui tout est bon pourvu que les frais soient assurés ; qui ferait battre, non pas des montagnes, il les vend, mais des planètes ; qui se charge du triomphe d’un coquin sur un honnête homme, quand par hasard l’honnête homme ne s’est pas mis en règle. Quand un de ces avoués-là fait un tour de maître Gonin un peu trop fort, la Chambre le force à vendre. Desroches, notre ami Desrocbes, a compris ce métier assez pauvrement fait par de pauvres hères : il a acheté des causes aux gens qui tremblaient de les perdre, il s’est rué sur la chicane en homme déterminé à sortir de la misère. Il a eu raison, il a fait très-honnêtement son métier. Il a trouvé des protecteurs dans les hommes politiques en sauvant leurs affaires embarrassées, comme pour notre cher des Lupeaulx, dont la position était si compromise. Il lui fallait cela pour se tirer de peine, car Desroches a commencé par être très-mal vu du Tribunal ! lui qui rectifiait avec tant de peine les erreurs de ses clients !… Voyons, Bixiou, revenons ?… Pourquoi Desroches se trouvait-il dans l’église ?

« — D’Aldrigger laisse sept ou huit cent mille francs ! répondit Taillefer à Desroches. — Ah ! bah ! il n’y a qu’une personne qui connaisse leur fortune, dit Werbrust, un ami du défunt. — Qui ? — Ce gros matin de Nucingen, il ira jusqu’au cimetière, d’Aldrigger a été son patron, et par reconnaissance il faisait valoir les fonds du bonhomme. — Sa veuve va trouver une bien grande différence ! — Comment l’entendez-vous ? — Mais d’Aldrigger aimait tant sa femme ! Ne riez donc pas, on nous regarde. — Tiens, voilà du Tillet, il est bien en retard, il arrive à l’Épître. — Il épousera sans doute l’aînée. — Est-ce possible ? dit Desroches, il est plus que jamais engagé avec madame Roguin. — Lui ! engagé ?… vous ne le connaissez pas. — Savez-vous la position de Nucingen et de du Tillet ? demanda Desroches. — La voici, dit Taillefer : Nucingen est homme à dévorer le capital de son ancien patron et à le lui rendre… — Heu ! heu ! fit Werbrust. Il fait diablement humide dans les églises, heu ! heu ! — Comment le rendre ?… — Hé ! bien, Nucingen sait que du Tillet a une grande fortune, il veut le marier à Malvina ; mais du Tillet se défie de Nucingen. Pour qui voit le jeu, cette partie est amusante. — Comment, dit Werbrust, déjà bonne à marier ?… Comme nous vieillissons vite ! — Malvina d’Aldrigger a vingt ans, mon cher. Le bonhomme d’Aldrigger s’est