regard aussi direct que la balle d’un pistolet, et brillant comme la flamme du coup.
— Hé ! bien, qu’y a-t-il, mes maîtres ?
Les usuriers restèrent froids et immobiles. Gigonnet montra tour à tour ses dossiers et le valet de chambre.
— Passons dans mon cabinet, dit des Lupeaulx en renvoyant par un geste son valet de chambre.
— Vous entendez le français à ravir, dit Gigonnet.
— Venez-vous tourmenter un homme qui vous a fait gagner à chacun deux cent mille francs ? dit-il en laissant échapper un mouvement de hauteur.
— Et qui nous en fera gagner encore, j’espère, dit Gigonnet.
— Une affaire ?… reprit des Lupeaulx. Si vous avez besoin de moi, j’ai de la mémoire.
— Et nous les vôtres, répondit Gigonnet.
— On paiera mes dettes, dit dédaigneusement des Lupeaulx pour ne pas se laisser entamer.
— Vrai, dit Gobseck.
— Allons au fait, mon fils, dit Gigonnet. Ne vous posez pas comme ça dans votre cravate, avec nous c’est inutile. Prenez ces actes et lisez-les.
Les deux usuriers inventorièrent le cabinet de des Lupeaulx, pendant qu’il lisait avec étonnement et stupéfaction ces contrats qui lui semblèrent jetés des nues par les anges.
— N’avez-vous pas en nous des hommes d’affaires intelligents ? dit Gigonnet.
— Mais à quoi dois-je une si habile coopération ? fit des Lupeaulx inquiet.
— Nous savions, il y a huit jours, ce que, sans nous, vous ne sauriez que demain : le président du tribunal de Commerce, député, se voit forcé de donner sa démission.
Les yeux de des Lupeaulx se dilatèrent et devinrent grands comme des marguerites.
— Votre ministre vous jouait ce tour-là, dit le concis Gobseck.
— Vous êtes mes maîtres, dit le Secrétaire-général en s’inclinant avec un profond respect empreint de moquerie.
— Juste, dit Gobseck.
— Mais vous allez m’étrangler ?
— Possible.