Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux. Du Bruel, suivez bien les conséquences. Rabourdin serait un lâche de rester sous Baudoyer, il donnera sa démission, et ça nous fera deux places. Vous serez Chef, et vous me prendrez avec vous comme Sous-chef. Nous ferons des vaudevilles ensemble, et je vous piocherai la besogne au Bureau.

DU BRUEL (souriant).

Tiens, je ne songeais pas à cela. Pauvre Rabourdin ! ça me ferait de la peine, cependant.

BIXIOU.

Ah ! voilà comment vous l’aimez ? (Changeant de ton.) Eh ! bien, je ne le plains pas non plus. Après tout, il est riche, sa femme donne des soirées, et ne m’invite pas, moi qui vais partout ! Allons, mon bon du Bruel, adieu, sans rancune ! (Il sort dans le Bureau.) Adieu, Messieurs. Ne vous disais-je pas hier qu’un homme qui n’avait que des vertus et du talent était toujours bien pauvre, même avec une jolie femme.

FLEURY.

Vous êtes riche, vous !

BIXIOU.

Pas mal, cher Cincinnatus ! Mais vous me donnerez à dîner au Rocher de Cancale.

POIRET.

Il m’est toujours impossible de comprendre le Bixiou.

PHELLION (d’un air élégiaque).

Monsieur Rabourdin lit si rarement les journaux, qu’il serait peut-être utile de les lui porter en nous en privant momentanément. (Fleury lui tend son journal, Vimeux celui du Bureau, il prend les journaux et sort.)

En ce moment, des Lupeaulx, qui descendait pour déjeuner avec le ministre, se demandait si, avant d’employer la fine fleur de sa rouerie pour le mari, la prudence ne commandait pas de sonder le cœur de la femme, afin de savoir s’il serait récompensé de son dévouement. Il se tâtait le peu de cœur qu’il avait, lorsque, sur l’escalier, il rencontra son avoué qui lui dit en souriant : — Deux mots, monseigneur ? avec cette familiarité des gens qui se savent indispensables.

— Quoi, mon cher Desroches ? fit l’homme politique. Que m’arrive-t-il ? Ils se fâchent, ces messieurs, et ne savent pas faire comme moi : attendre !