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— Messieurs, dit Dutocq en rentrant au Bureau et en s’adressant à ses collègues, je ne sais pas si Bixiou a le don de lire dans l’avenir, mais si vous n’avez pas le journal ministériel, je vous engage à y étudier l’article Baudoyer ; puis, comme monsieur Fleury a la feuille de l’Opposition, vous pourrez y voir la réplique. Certes, monsieur Rabourdin a du talent, mais un homme qui, par le temps qui court, donne aux églises des ostensoirs de six mille francs, a diablement de talent aussi.

BIXIOU (entrant).

Que dites-vous de la première aux Corinthiens contenue dans notre journal religieux, et de l’Épître aux ministres qui est dans le journal libéral ? Comment va monsieur Rabourdin, du Bruel ?

DU BRUEL (arrivant).

Je ne sais pas. (Il emmène Bixiou dans son cabinet et lui dit à voix basse.) Mon cher, votre manière d’aider les gens ressemble aux façons du bourreau, qui vous met les pieds sur les épaules pour vous plus promptement casser le cou. Vous m’avez fait avoir de des Lupeaulx une chasse que ma bêtise m’a méritée. Il était joli, l’article sur La Billardière ! Je n’oublierai pas ce trait-là. La première phrase semblait dire au Roi : Il faut mourir. Celle sur Quiberon signifiait clairement que le Roi était un… Enfin tout était ironique.

BIXIOU (se mettant à rire).

Tiens, vous vous fâchez ! On ne peut donc plus blaguer ?

DU BRUEL.

Blaguer ! blaguer ! Quand vous voudrez être Sous-chef, on vous répondra par des blagues, mon cher.

BIXIOU (d’un ton menaçant).

Sommes-nous fâchés ?

DU BRUEL.

Oui.

BIXIOU (d’un air sec).

Eh ! bien, tant pis pour vous.

DU BRUEL (songeur et inquiet).

Pardonneriez-vous cela, vous ?

BIXIOU (câlin).

À un ami ? je crois bien. (On entend la voix de Fleury.) Voilà Fleury qui maudit Baudoyer. Hein ! est-ce bien joué ? Baudoyer aura la place. (Confidentiellement.) Après tout, tant