tesse en lui portant le traitement du mois, une phrase qui dise bien tout ! Je vais vous laisser. Je dois sortir avec mon oncle Mitral. Croiriez-vous qu’il m’a été impossible de trouver mon oncle Bidault. Et dans quel chenil demeure-t-il ! Enfin monsieur Mitral, qui connaît ses allures, dit qu’il a fini ses affaires entre huit heures et midi ; que, passé cette heure, on ne peut le trouver qu’à un café nommé café Thémis, un singulier nom…
— Y rend-on la justice ? dit en riant l’abbé Gaudron.
— Comment va-t-il dans un café situé au coin de la rue Dauphine et du quai des Augustins ; mais on dit qu’il y joue tous les soirs aux dominos avec son ami monsieur Gobseck. Je ne veux pas aller là toute seule, mon oncle me conduit et me ramène.
En ce moment Mitral montra sa figure jaune plaquée de sa perruque qui semblait faite en chiendent, et fit signe à sa nièce de venir afin de ne pas dissiper un temps payé deux francs l’heure. Madame Baudoyer sortit donc sans rien expliquer à son père ni à son mari.
— Le ciel, dit monsieur Gaudron à Baudoyer quand Élisabeth fut partie, vous a donné dans cette femme un trésor de prudence et de vertus, un modèle de sagesse, une chrétienne en qui se trouve un entendement divin. La Religion seule forme des caractères si complets. Demain je dirai la messe pour le succès de la bonne cause ! Il faut, dans l’intérêt de la monarchie et de la religion, que vous soyez nommé. Monsieur Rabourdin est un Libéral, abonné au Journal des Débats, journal funeste qui fait la guerre à monsieur le comte de Villèle pour servir les intérêts froissés de monsieur de Châteaubriand. Son Éminence lira ce soir le journal quand ce ne serait qu’à cause de son pauvre ami monsieur de La Billardière, et monseigneur le coadjuteur lui parlera de vous et de Rabourdin. Je connais monsieur le curé ! Quand on pense à sa chère église, il ne vous oublie pas dans son prône. Or, il a l’honneur en ce moment de dîner avec le coadjuteur, chez monsieur le curé de Saint-Roch.
Ces paroles commençaient à faire comprendre à Saillard et à Baudoyer qu’Élisabeth n’était pas restée oisive depuis le moment où Godard l’avait avertie.
— Est-elle futée, st’Élisabeth, s’écria Saillard en appréciant avec plus de justesse que ne le faisait l’abbé le rapide chemin de taupe tracé par sa fille.
— Elle a envoyé Godard savoir à la porte de monsieur Rabourdin