jetteront un coup d’œil (il lit les journaux). Savez-vous la vie du papa La Billardière ?
Du Bruel fit un geste pour accuser son ignorance.
— Non ? reprit des Lupeaulx. Eh ! bien, il a été mêlé aux affaires de la Vendée, il était l’un des confidents du feu roi. Comme monsieur le comte de Fontaine, il n’a jamais voulu transiger avec le premier Consul. Il a un peu chouanné. C’est né en Bretagne d’une famille parlementaire si jeune, qu’il a été anobli par Louis XVIII. Quel âge avait-il ? N’importe ! Arrangez bien ça… La loyauté qui ne s’est jamais démentie… une religion éclairée… (le pauvre bonhomme avait pour manie de ne jamais mettre le pied dans une église), donnez-lui du pieux serviteur… Amenez gentiment qu’il a pu chanter le cantique de Siméon à l’avénement de Charles X. Le comte d’Artois estimait beaucoup La Billardière, car il a coopéré malheureusement à l’affaire de Quiberon et a tout pris sur lui. Vous savez ?… La Billardière a justifié le roi dans une brochure publiée en réponse à une impertinente histoire de la Révolution faite par un journaliste, vous pouvez donc appuyer sur le dévouement. Enfin, pesez bien vos mots, afin que les autres journaux ne se moquent pas de nous, et apportez-moi l’article. Vous étiez hier chez Rabourdin ?
— Oui, Monseigneur, dit du Bruel. Ah, pardon !
— Il n’y a pas de mal, répondit en riant des Lupeaulx.
— Sa femme était délicieusement belle, reprit du Bruel, il n’y a pas deux femmes pareilles dans Paris : il y en a d’aussi spirituelles qu’elle ; mais il n’y en a pas de si gracieusement spirituelle ; une femme peut être plus belle que Célestine ; mais il est difficile qu’elle soit si variée dans sa beauté. Madame Rabourdin est bien supérieure à madame Colleville ! dit le vaudevilliste en se rappelant l’aventure de des Lupeaulx. Flavie doit ce qu’elle est au commerce des hommes, tandis que madame Rabourdin est tout par elle-même, elle sait tout ; il ne faudrait pas se dire un secret en latin devant elle. Si j’avais une femme semblable, je croirais pouvoir parvenir à tout.
— Vous avez plus d’esprit qu’il n’est permis à un auteur d’en avoir, répondit des Lupeaulx avec un mouvement de vanité. Puis il se détourna pour apercevoir Dutocq, et lui dit : — Ah ! bonjour, Dutocq. Je vous ai fait demander pour vous prier de me prêter votre Charlet, s’il est complet ; la comtesse ne connaît rien de Charlet.