Saint-Martin, vu que je soupçonne une autre cause à cette sueur, qui ne serait pas alors une sueur mais bien l’effet d’une addition quelconque nouvellement ou anciennement faite au chapeau.
Monsieur Tournan notifia sur-le-champ à sa pratique la présence d’un corps gras obtenu par la distillation d’un porc ou d’une truie. Le lendemain Poiret vint avec un chapeau prêté par monsieur Tournan en attendant le neuf ; mais il ne s’était pas couché sans ajouter cette phrase à son journal : Il est avéré que mon chapeau contenait du saindoux ou graisse de porc. Ce fait inexplicable occupa pendant plus de quinze jours l’intelligence de Poiret, qui ne sut jamais comment ce phénomène avait pu se produire. On l’entretint au Bureau des pluies de crapauds et autres aventures caniculaires, de la tête de Napoléon trouvée dans une racine d’ormeau, de mille bizarreries d’histoire naturelle. Vimeux lui dit qu’un jour son chapeau, à lui Vimeux, avait déteint en noir sur son visage, et que les chapeliers vendaient des drogues. Poiret alla plusieurs fois chez le sieur Tournan, afin de s’assurer de ses procédés de fabrication.
Il y avait encore chez Rabourdin un employé qui faisait l’homme courageux, professait les opinions du Centre gauche et s’insurgeait contre les tyrannies de Baudoyer pour le compte des malheureux esclaves de ce Bureau. Ce garçon, nommé Fleury, s’abonnait hardiment à une feuille de l’Opposition, portait un chapeau gris à grands bords, des bandes rouges à ses pantalons bleus, un gilet bleu à boutons dorés, et une redingote qui croisait sur la poitrine comme celle d’un maréchal-des-logis de gendarmerie. Quoique inébranlable dans ses principes, il restait néanmoins employé dans les Bureaux ; mais il y prédisait un fatal avenir au gouvernement s’il persistait à donner dans la religion. Il avouait ses sympathies pour Napoléon, depuis que la mort du grand homme faisait tomber en désuétude les lois contre les partisans de l’usurpateur. Fleury, ex-capitaine dans un régiment de la Ligne sous l’Empereur, grand, beau brun, était contrôleur au Cirque Olympique. Bixiou ne s’était jamais permis de charge sur Fleury, car ce rude troupier, qui tirait très-bien le pistolet, fort à l’escrime, paraissait capable dans l’occasion de se livrer à de grandes brutalités. Passionné souscripteur des Victoires et Conquêtes, Fleury refusait de payer, tout en gardant les livraisons, se fondant sur ce qu’elles dépassaient le nombre promis par le prospectus. Il adorait monsieur Rabourdin, qui l’avait