habitude, il est resté le dernier dans le bureau de la Division, excès qui ne lui est pas arrivé trois fois depuis qu’il est au Ministère.
Trente-huit ans, un visage oblong à teint bilieux, des cheveux gris crépus, toujours taillés ras ; un front bas, d’épais sourcils qui se rejoignaient, un nez tordu, des lèvres pincées, des yeux vert-clair qui fuyaient le regard du prochain, une taille élevée, l’épaule droite légèrement plus forte que l’autre, habit brun, gilet noir, cravate de foulard, pantalon jaunâtre, bas de laine noire, souliers à nœuds barbottants : vous voyez monsieur Dutocq, commis d’ordre du bureau Rabourdin. Incapable et flâneur, il haïssait son chef. Rien de plus naturel. Rabourdin n’avait aucun vice à flatter, aucun côté mauvais par où Dutocq aurait pu se rendre utile. Beaucoup trop noble pour nuire à un employé, il était aussi trop perspicace pour se laisser abuser par aucun semblant. Dutocq n’existait donc que par la générosité de Rabourdin et désespérait de tout avancement tant que ce chef mènerait la Division. Quoique se sentant sans moyens pour occuper la place supérieure, Dutocq connaissait assez les Bureaux pour savoir que l’incapacité n’empêche point d’émarger, il en serait quitte pour chercher un Rabourdin parmi ses rédacteurs. L’exemple de La Billardière était frappant et funeste. La méchanceté combinée avec l’intérêt personnel équivaut à beaucoup d’esprit ; très-méchant et très-intéressé, cet employé avait donc tâché de consolider sa position en se faisant l’espion des Bureaux. Dès 1816, il prit une couleur religieuse très-foncée en pressentant la faveur dont jouiraient les gens que, dans ce temps, les niais comprenaient tous indistinctement sous le nom de Jésuites. Appartenant à la Congrégation sans être admis à ses mystères, Dutocq allait d’un bureau à l’autre, explorait les consciences en disant des gaudrioles, et venait paraphraser ses rapports à des Lupeaulx, qu’il instruisait des plus petits événements. Aussi le Secrétaire-général étonnait-il souvent le ministre par sa profonde connaissance des affaires intimes. Bonneau tout de bon de ce Bonneau politique, Dutocq briguait l’honneur des secrets messages de des Lupeaulx, qui tolérait cet homme immonde en pensant que le hasard pouvait le lui rendre utile, ne fût-ce qu’à le tirer de peine, lui ou quelque grand personnage, par un honteux mariage. L’un et l’autre ils se comprenaient bien. Dutocq comptait sur cette bonne fortune, en y voyant une bonne place, et il restait garçon. Dutocq avait succédé à monsieur Poiret l’aîné, retiré dans une pension