un prêtre, ou un autre nous-même. Eh ! bien, si mes secrets ne sont pas là, dit-elle en appuyant sa main sur le cœur de d’Arthez, comme ils étaient ici… (Elle fit fléchir sous ses doigts le haut de son busc) vous ne serez pas le grand d’Arthez, j’aurai été trompée !
Une larme mouilla les yeux de d’Arthez, et Diane dévora cette larme par un regard de côté qui ne fit vaciller ni sa prunelle ni sa paupière. Ce fut leste et net comme un geste de chatte prenant une souris. D’Arthez, pour la première fois, après soixante jours pleins de protocoles, osa prendre cette main tiède et parfumée, il la porta sous ses lèvres, il y mit un long baiser traîné depuis le poignet jusqu’aux ongles avec une si délicate volupté que la princesse inclina sa tête en augurant très-bien de la littérature. Elle pensa que les hommes de génie devaient aimer avec beaucoup plus de perfection que n’aiment les fats, les gens du monde, les diplomates et même les militaires, qui cependant n’ont que cela à faire. Elle était connaisseuse, et savait que le caractère amoureux se signe en quelque sorte dans des riens. Une femme instruite peut lire son avenir dans un simple geste, comme Cuvier savait dire en voyant le fragment d’une patte : Ceci appartient à un animal de telle dimension, avec ou sans cornes, carnivore, herbivore, amphibie, etc., âgé de tant de mille ans. Sûre de rencontrer chez d’Arthez autant d’imagination dans l’amour qu’il en mettait dans son style, elle jugea nécessaire de le faire arriver au plus haut degré de la passion et de la croyance. Elle retira vivement sa main par un magnifique mouvement plein d’émotions. Elle eût dit : Finissez, vous allez me faire mourir ! elle eût parlé moins énergiquement. Elle resta pendant un moment les yeux dans les yeux de d’Arthez, en exprimant tout à la fois du bonheur, de la pruderie, de la crainte, de la confiance, de la langueur, un vague désir et une pudeur de vierge. Elle n’eut alors que vingt ans ! Mais comptez qu’elle s’était préparée à cette heure de comique mensonge avec un art inouï dans sa toilette, elle était dans son fauteuil comme une fleur qui va s’épanouir au premier baiser du soleil. Trompeuse ou vraie, elle enivrait Daniel. S’il est permis de risquer une opinion individuelle, avouons qu’il serait délicieux d’être ainsi trompé long-temps. Certes, souvent Talma, sur la scène, a été fort au-dessus de la nature. Mais la princesse de Cadignan n’est-elle pas la plus grande comédienne de ce temps ? Il ne manque à cette femme qu’un parterre attentif. Malheureusement, dans les époques tourmentées par