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VAUTRIN.

Bien. Envoyé du Mexique. Retiens bien le nom de ton père : Amoagos, un seigneur d’Aragon, un ami du duc de Christoval. Ta mère est morte ; j’apporte les titres, les papiers de famille authentiques, reconnus. Inès est à toi.

RAOUL.

Et vous voulez que je consente à de pareilles infamies ? jamais !

VAUTRIN, aux deux femmes.

Il est stupéfait de ce que je lui apprends, il ne s’attendait pas à un si prompt dénoûment.

RAOUL.

Si la vérité me tue, tes mensonges me déshonorent, j’aime mieux mourir.

VAUTRIN.

Tu voulais Inès par tous les moyens possibles, et tu recules devant un innocent stratagème ?

RAOUL, exaspéré.

Mesdames !…

VAUTRIN.

La joie le transporte. (À Raoul.) Parler, c’est perdre Inès et me livrer à la justice : tu le peux, ma vie est à toi.

RAOUL.

Ô Vautrin ! dans quel abîme m’as-tu plongé ?

VAUTRIN.

Je t’ai fait prince, n’oublie pas que tu es au comble du bonheur. (À part.) Il ira.


Scène VII.

INÈS, près de la porte où elle a quitté sa mère, RAOUL, de l’autre côté du théâtre.
RAOUL, à part.

L’honneur veut que je parle, la reconnaissance veut que je me taise ; eh bien ! j’accepte mon rôle d’homme heureux, jusqu’à ce qu’il ne soit plus en péril ; mais j’écrirai ce soir et Inès saura qui je suis. Vautrin, un pareil sacrifice m’acquitte bien envers toi : nos liens sont rompus. J’irai chercher je ne sais où la mort du soldat.