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et je l’ai pris mendiant sur la grande route, prêt à se faire tambour ; à douze ans, il n’avait pas de nom, pas de famille, il venait de Sardaigne, où il devait avoir fait quelque mauvais coup, il était en fuite.

BUTEUX.

Oh ! dès que nous connaissons ses antécédents et sa position sociale…

VAUTRIN.

À ta loge !

BUTEUX.

La petite Nini, la fille à Giroflée, y est.

VAUTRIN.

Elle peut laisser passer une mouche.

LAFOURAILLE.

Elle ! c’est une petite fouine à laquelle il ne faudra pas indiquer les pigeons.

VAUTRIN.

Par ce que je suis en train de faire de Raoul, voyez ce que je puis. Ne devait-il pas avoir la préférence ? Raoul de Frescas est un jeune homme resté pur comme un ange au milieu de notre bourbier, il est notre conscience ; enfin, c’est ma création je suis à la fois son père, sa mère, et je veux être sa providence. J’aime à faire des heureux, moi qui ne peux plus l’être. Je respire par sa bouche, je vis de sa vie ; ses passions sont les miennes, je ne puis avoir d’émotions nobles et pures que dans le cœur de cet être qui n’est souillé d’aucun crime. Vous avez vos fantaisies, voilà la mienne ! En échange de la flétrissure que la société m’a imprimée, je lui rends un homme d’honneur, j’entre en lutte avec le destin ; voulez-vous être de la partie ? obéissez !

TOUS.

À la vie, à la mort

VAUTRIN, à part.

Voilà mes bêtes féroces encore une fois domptées ! (Haut.) Philosophe, tâche de prendre l’air, la figure et le costume d’un employé aux recouvrements, tu iras reporter les couverts empruntés par Lafouraille à l’ambassade. (À Fil-de-Soie.) Toi, Fil-de-Soie, M. de Frescas aura quelques amis, prépare un somptueux déjeuner, nous ne dînerons pas. Après, tu t’habilleras en homme respectable, aie l’air d’un avoué. Tu iras rue Oblin, numéro 6, au quatrième étage, tu sonneras sept coups, un à un. Tu demanderas le