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que des belles femmes : on s’en trouve souvent mal. Était-elle belle, au moins, cette action ?

LAFOURAILLE.

Vous allez voir. Dans la bagarre du 10 août, le duc me confie le vicomte de Langeac ; je le déguise, je le cache, je le nourris, au risque de perdre ma popularité et ma tête. Le duc m’avait bien encouragé par des bagatelles, un millier de louis, et ce Blondet a l’infamie de venir me proposer davantage pour livrer notre jeune maître.

VAUTRIN.

Tu le livres ?

LAFOURAILLE.

À l’instant. On le coffre à l’Abbaye, et je me trouve à la tête de soixante bonnes mille livres en or, en vrai or.

VAUTRIN.

En quoi cela regarde-t-il le duc de Montsorel ?

LAFOURAILLE.

Attendez donc. Quand je vois venir les journées de septembre, ma conduite me semble un peu répréhensible et, pour mettre ma conscience en repos, je vais proposer au duc, qui partait, de resauver son ami.

VAUTRIN.

As-tu du moins bien placé tes remords ?

LAFOURAILLE.

Je le crois bien, ils étaient rares à cette époque-là ! Le duc me promet vingt mille francs si j’arrache le vicomte aux mains de mes camarades, et j’y parviens.

VAUTRIN.

Un vicomte, vingt mille francs ! c’était donné.

LAFOURAILLE.

D’autant plus que c’était alors le dernier. Je l’ai su trop tard. L’intendant avait fait disparaître tous les autres Langeac, même une pauvre grand’mère qu’il avait envoyée aux Carmes.

VAUTRIN.

Il allait bien, celui-là !

LAFOURAILLE.

Il allait toujours ! Il apprend mon dévouement, se met à ma piste, me traque et me découvre aux environs de Mortagne, où mon maître attendait, chez un de mes oncles, une occasion de gagner la mer. Ce gueux-là m’offre autant d’argent qu’il m’en avait