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LE DUC

Vous êtes un noble jeune homme, vous avez des distinctions naturelles qui signalent en vous le gentilhomme, ne vous offensez pas de la curiosité du monde : elle est notre sauvegarde à tous. Votre épée ne fermera pas la bouche à tous les indiscrets, et le monde, si généreux pour des modesties bien placées, est impitoyable pour des prétentions injustifiables.

RAOUL.

Monsieur !

LA DUCHESSE DE MONTSOREL, vivement et bas à Raoul.

Pas un mot sur votre enfance ; quittez Paris, et que je sache seule où vous serez… caché ! Il y va de tout votre avenir.

LE DUC.

Je veux être votre ami, moi, quoique vous soyez le rival de mon fils. Accordez votre confiance à un homme qui a celle de son roi. Comment appartenez-vous à la maison de Frescas, que nous croyions éteinte ?

RAOUL, au duc.

Monsieur le duc, vous êtes trop puissant pour manquer de protégés, et je ne suis pas assez faible pour avoir besoin de protecteurs.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Monsieur, n’en veuillez pas à une mère d’avoir attendu cette discussion pour s’apercevoir qu’il y avait de l’imprudence à vous admettre souvent à l’hôtel de Christoval.

INÈS.

Une parole nous sauvait, et vous avez gardé le silence : il y a donc quelque chose que vous aimez mieux que moi ?

RAOUL.

Inès, je pouvais tout supporter, hors ce reproche ! (À part.) O ! Vautrin, pourquoi m’avoir ordonné ce silence absolu ? (il salue les femmes. À la duchesse de Montsorel.) Vous me devez compte de tout mon bonheur.

LA DUCHESSE DE MONTSOREL.

Obéissez-moi, je réponds de tout.

RAOUL, au marquis.

Je suis à vos ordres, Monsieur.

LE MARQUIS.

Au revoir, monsieur Raoul.

RAOUL.

De Frescas, s’il vous plaît.

LE MARQUIS.

De Frescas, soit !

(Raoul sort.)