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GERTRUDE.

Après le peu de paroles que nous avons échangées cette nuit, pourquoi prendrions-nous des formules hypocrites ? J’aimais Ferdinand, ma chère Pauline, quand vous aviez huit ans.

PAULINE.

Mais vous en avez plus de trente !… Et moi, je suis jeune !… D’ailleurs, il vous hait, il vous abhorre ! il me l’a dit, et il ne veut pas d’une femme capable d’une trahison aussi noire que l’est la vôtre envers mon père.

GERTRUDE.

Aux yeux de Ferdinand, mon amour sera mon absolution.

PAULINE.

Il partage mes sentiments pour vous : il vous méprise, Madame.

GERTRUDE.

Vous croyez ? eh bien, ma chère, c’est une raison de plus ! Si je ne le voulais pas par amour, Pauline, tu me le ferais vouloir pour mari, par vengeance. En venant ici, ne savait-il pas qui j’étais ?

PAULINE.

Vous l’aurez pris à quelque piége, comme celui que vous venez de nous tendre et où nous sommes tombés.

GERTRUDE.

Tenez, ma chère, un seul mot va tout finir entre nous. Ne vous êtes-vous pas dit cent fois, mille fois, dans ces moments où l’on se sent tout âme, que vous feriez les plus grands sacrifices à Ferdinand ?

PAULINE.

Oui, Madame.

GERTRUDE.

Comme quitter votre père, la France ; donner votre vie, votre honneur, votre salut !

PAULINE.

Oh ! l’on cherche si l’on a quelque chose de plus à offrir que soi, la terre et le ciel.

GERTRUDE.

Eh bien ce que vous avez souhaité, je l’ai fait, moi ! C’est assez vous dire que rien ne peut m’arrêter, pas même la mort.

PAULINE.

C’est donc vous qui m’aurez autorisée à me défendre ! (À part.)