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habile aujourd’hui pour devenir mon successeur ; et si vous voulez m’accompagner à la fabrique, vous allez voir…

LE GÉNÉRAL.

Volontiers. (À part.) Tout s’embrouille si bien ici, que je vais aller chercher Vernon. Les conseils et les deux yeux de mon vieux docteur ne seront pas de trop pour m’aider à deviner ce qui trouble le ménage, car il y a quelque chose. Ferdinand, je suis à vous. Nous revenons, Mesdames. (À part.) Il y a quelque chose.

(Le général et Ferdinand sortent.)

Scène VII.

GERTRUDE, PAULINE.
PAULINE, elle ferme la porte au verrou.

Madame, estimez-vous qu’un amour pur, qu’un amour qui, pour nous, résume et agrandit toutes les félicités humaines, qui fait comprendre les félicités divines, nous soit plus cher, plus précieux que la vie ?…

GERTRUDE.

Vous avez lu la Nouvelle Héloïse, ma chère. Ce que vous dites là est pompeux, mais c’est vrai.

PAULINE.

Eh bien ! Madame, vous venez de me faire commettre un suicide.

GERTRUDE.

Que vous auriez été heureuse de me voir accomplir ; et, si vous aviez pu m’y forcer, vous vous sentiriez dans l’âme la joie qui remplit la mienne à déborder.

PAULINE.

Selon mon père, la guerre entre gens civilisés a ses lois ; mais la guerre que vous me faites, Madame, est celle des sauvages.

GERTRUDE.

Faites comme moi, si vous pouvez… Mais vous ne pourrez rien ! Vous épouserez Godard. C’est un fort bon parti ; vous serez, je vous l’assure, très-heureuse avec lui, car il a des qualités.

PAULINE.

Et vous croyez que je vous laisserai tranquillement devenir la femme de Ferdinand ?