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LE DUC.

Je ne m’attendais pas, je vous l’avoue, Monsieur de Frescas, à vous rencontrer chez madame de Montsorel ; mais je suis heureux de l’intérêt qu’elle vous témoigne, puisqu’il me procure le plaisir de voir un jeune homme dont le début obtient tant de succès et jette tant d’éclat. Vous êtes un de ces rivaux de qui l’on est fier si l’on est vainqueur, et par lesquels on peut être vaincu sans trop de déplaisir.

RAOUL.

Partout ailleurs que chez vous, monsieur le duc, l’exagération de ces éloges, auxquels je me refuse, serait de l’ironie : mais il m’est impossible de ne pas y voir un courtois désir de me mettre à l’aise (en regardant le marquis qui lui tourne le dos.), là où je pouvais me croire importun.

LE DUC.

Vous arrivez, au contraire, très à propos, nous parlions de votre famille et de ce vieux commandeur de Frescas que Madame et moi avons beaucoup vu jadis.

RAOUL.

Vous aviez la bonté de vous occuper de moi ; mais c’est un honneur qui se paye ordinairement par un peu de médisance.

LE DUC.

On ne peut dire du mal que des gens qu’on connaît bien.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.

Et nous voudrions bien avoir le droit de médire de vous.

RAOUL.

Il est de mon intérêt de conserver vos bonnes grâces.

LA DUCHESSE DE MONTSOREL.

Je connais un moyen sûr.

RAOUL.

Et lequel ?

LA DUCHESSE DE MONTSOREL.

Restez le personnage mystérieux que vous êtes.

LE MARQUIS, revenant avec un journal.

Voici, Mesdames, quelque chose d’étrange chez le feld-maréchal, où vous étiez sans doute, on a surpris un de ces soi-disant seigneurs étrangers qui volait au jeu.

INÈS.

Et c’est là cette grande nouvelle qui vous absorbait ?