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LE GÉNÉRAL.

Ces sottes langues de petites villes ! je voudrais en couper quelques-unes ! T’attaquer, toi, Gertrude, qui depuis douze ans es pour Pauline une véritable mère ! qui l’a si bien élevée !

GERTRUDE.

Ainsi va le monde ! On ne nous pardonne pas de vivre à une si faible distance de la ville, sans y aller. La société nous punit de savoir nous passer d’elle ! Crois-tu que notre bonheur ne fasse pas de jaloux ? Mais notre docteur…

LE GÉNÉRAL.

Vernon ?…

GERTRUDE.

Oui, Vernon est très-envieux de toi : il enrage de ne pas avoir su inspirer à une femme l’affection que j’ai pour toi. Aussi, prétend-il que je joue la comédie ! Depuis douze ans ? comme c’est vraisemblable !

LE GÉNÉRAL.

Une femme ne peut pas être fausse pendant douze ans sans qu’on s’en aperçoive. C’est stupide ! Ah ! Vernon ! lui aussi !

GERTRUDE.

Oh ! il plaisante ! Ainsi donc, comme je te le disais, tu vas voir Godard. Cela m’étonne qu’il ne soit pas arrivé. C’est un si riche parti, que ce serait une folie que de le refuser. Il aime Pauline, et quoiqu’il ait ses défauts, qu’il soit un peu provincial, il peut rendre ta fille heureuse.

LE GÉNÉRAL.

J’ai laissé Pauline entièrement maîtresse de se choisir un mari.

GERTRUDE.

Oh ! sois tranquille ! une fille si douce ! si bien élevée ! si sage !

LE GÉNÉRAL.

Douce ! elle a mon caractère, elle est violente.

GERTRUDE.

Elle, violente ! Mais toi, voyons ?… Ne fais-tu pas tout ce que je veux ?

LE GÉNÉRAL.

Tu es un ange, tu ne veux jamais rien qui ne me plaise ! À propos, Vernon dîne avec nous après son autopsie.

GERTRUDE.

As-tu besoin de me le dire ?