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En restant au logis, je douterais de pouvoir vous conserver, non pas mon cœur, il est à vous en dépit de tout, mais ma personne…

FONTANARÈS.

Encore un martyre !

MARIE.

En retardant le jour de votre triomphe, vous avez rendu ma situation insupportable. Hélas ! en vous voyant ici, je devine que nous avons souffert en même temps des maux inouïs. Pour pouvoir être à vous, je vais feindre de me donner à Dieu : j’entre ce soir au couvent.

FONTANARÈS.

Au couvent ? Il veulent nous séparer. Voilà des tortures à faire maudire la vie. Et vous, Marie, vous, le principe et la fleur de ma découverte ! vous, cette étoile qui me protégeait, je vous force à rester dans le ciel. Oh ! je succombe.

(Il pleure.)
MARIE.

Mais en promettant d’aller dans un couvent, j’ai obtenu de mon père le droit de venir ici : je voulais mettre une espérance dans mes adieux, voici les épargnes de la jeune fille, de votre sœur, ce que j’ai gardé pour le jour où tout vous abandonnerait.

FONTANARÈS.

Et qu’ai-je besoin, sans vous, de gloire, de fortune, et même de la vie ?

MARIE.

Acceptez ce que peut, ce que doit vous offrir celle qui sera votre femme. Si je vous sais malheureux et tourmenté, l’espérance me quittera dans ma retraite, et j’y mourrai, priant pour vous !

QUINOLA, à Marie.

Laissez-le faire le superbe, et sauvons-le malgré lui. Chut ! je passe pour son grand-père.

(Marie donne son aumônière à Quinola.)
LOTHUNDIAZ, à don Ramon.

Ainsi, vous ne le trouvez pas fort ?

DON RAMON.

Lequel ? Oh ! lui ! c’est un artisan qui ne sait rien et qui sans doute aura volé ce secret en Italie.

LOTHUNDIAZ.

Je m’en suis toujours douté, comme j’ai raison de résister à ma fille et de le lui refuser pour mari.