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LA DUCHESSE.

Depuis quand, Monsieur, entrez-vous chez moi sans vous faire annoncer et sans ma permission ?

LE DUC.

Depuis que vous manquez à nos conventions, Madame ; vous aviez juré de ne faire aucune démarche pour retrouver ce… votre fils… À cette condition seulement j’ai promis de le laisser vivre.

LA DUCHESSE.

Et n’y a-t-il pas plus d’honneur à trahir un pareil serment qu’à tenir tous les autres ?

LE DUC.

Nous sommes dès lors déliés tous deux de nos engagements.

LA DUCHESSE.

Avez-vous respecté les vôtres jusqu’à ce jour ?

LE DUC.

Oui, Madame.

LA DUCHESSE.

Vous l’entendez, ma tante, et vous témoignerez de ceci.

MADEMOISELLE DE VAUDREY.

Mais, Monsieur, n’avez-vous jamais pensé que Louise est innocente ?

LE DUC.

Mademoiselle de Vaudrey, vous devez le croire, vous ! Et que ne donnerai-je pas pour avoir cette opinion ? Madame a eu vingt ans pour me prouver son innocence.

LA DUCHESSE.

Depuis vingt ans, vous frappez sur mon cœur, sans pitié, sans relâche. Vous n’étiez pas un juge, vous êtes un bourreau.

LE DUC.

Madame, si vous ne me remettez cet acte, votre Fernand aura tout à craindre. À peine rentrée en France, vous vous êtes procuré cette pièce, vous voulez vous en faire une arme contre moi. Vous voulez donner à votre fils un nom et une fortune qui ne lui appartiennent pas ; vous voulez le faire entrer dans une famille où la race a été conservée pure jusqu’à moi par des femmes sans tache, une famille qui ne compte pas une mésalliance…

LA DUCHESSE.

Et que votre fils Albert continuera dignement.

LE DUC.

Imprudente ! vous excitez de terribles souvenirs. Et ce dernier