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l’activité d’un politique, vous préparez au roi la conquête de la Navarre française. Si j’avais une fille, je vous la donnerais. Le bonhomme Lothundiaz n’est pas un sot.

SARPI.

Ah ! fonder une grande maison, inscrire un nom dans l’histoire de son pays : être le cardinal Granvelle ou le duc d’Albe.

AVALOROS.

Oui ! c’est bien beau. Je pense a me donner un nom. L’empereur a créé les Fugger princes de Babenhausen, ce titre leur coûte un million d’écus d’or. Moi, je veux être un grand homme, à bon marché.

SARPI.

Vous ! comment ?

AVALOROS.

Ce Fontanarès tient dans sa main l’avenir du commerce.

SARPI.

Vous, qui ne vous attachez qu’au positif, vous y croyez donc ?

AVALOROS.

Depuis la poudre, l’imprimerie et la découverte du nouveau monde, je suis crédule. On me dirait qu’un homme a trouvé le moyen d’avoir en dix minutes ici des nouvelles de Paris, ou que l’eau contient du feu, ou qu’il y a encore des Indes à découvrir, ou qu’on peut se promener dans les airs, je ne dirais pas non, et je donnerais…

SARPI.

Votre argent ?

AVALOROS.

Non, mon attention à l’affaire.

SARPI.

Si le vaisseau marche, vous voulez être à Fontanarès ce qu’Améric est à Christophe Colomb.

AVALOROS.

N’ai-je pas là dans ma poche de quoi payer dix hommes de génie ?

SARPI.

Comment vous y prendrez-vous ?

AVALOROS.

L’argent, voilà le grand secret. Avec de l’argent à perdre, on gagne du temps ; avec le temps tout est possible ; on rend à volonté mauvaise une bonne affaire ; et, pendant que les autres en