Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les maitres et les domestiques ; plus d’attachement, par conséquent, plus de trahisons possibles. À Joseph.) Se dit-on des mots piquants à table ?

JOSEPH.

Jamais rien devant les gens.

VAUTRIN.

Que pensez-vous d’eux, à l’office, entre vous !

JOSEPH.

La duchesse est une sainte.

VAUTRIN.

Pauvre femme ! et le duc ?

JOSEPH.

Un égoïste.

VAUTRIN.

Oui, un homme d’État. (À part.) Il doit avoir des secrets, nous verrons dans son jeu. Tout grand seigneur a de petites passions par lesquelles on le mène ; et si je le tiens une fois, il faudra bien que son fils… (À Joseph.) Que dit-on du mariage du marquis de Monsorel avec Inès de Christoval ?

JOSEPH.

Pas un mot ! La duchesse semble s’y intéresser fort peu.

VAUTRIN.

Elle n’a qu’un fils ! Ceci n’est pas naturel.

JOSEPH.

Entre nous, je crois qu’elle n’aime pas son fils.

VAUTRIN.

Il a fallu t’arracher cette parole du gosier comme on tire le bouchon d’une bouteille de vin de Bordeaux ! Il y a donc un secret dans cette maison ? Une mère, une duchesse de Montsorel qui n’aime pas son fils, un fils unique ! Quel est son confesseur.

JOSEPH.

Elle fait toutes ses dévotions en secret.

VAUTRIN.

Bien ! je saurai tout les secrets sont comme les jeunes filles, plus on les garde, mieux on les trouve. Je mettrai deux de mes drôles de planton à Saint-Thomas d’Aquin : ils ne feront pas leur salut, mais… ils feront autre chose. Adieu.