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QUINOLA.

En vénitien, Brancador. Le beau nom ! Elle doit être veuve d’un patricien.

MONIPODIO.

Vingt-deux ans, fine comme le musc, gouvernant le gouverneur, et (ceci entre nous) l’ayant déjà diminué de tout ce qu’il a ramassé sous Charles-Quint dans les guerres d’Italie. Ce qui vient de la flûte…

QUINOLA.

A pris l’air. L’âge de notre vice-roi ?

MONIPODIO.

Il accepte soixante ans.

QUINOLA.

Et l’on parle du premier amour ! Je ne connais rien de terrible comme le dernier, il est strangulatoire. Suis-je heureux de m’être élevé jusqu’à l’indifférence ? Je pourrais être un homme d’État…

MONIPODIO.

Ce vieux général est encore assez jeune pour m’employer à surveiller la Brancador ; elle, me paye pour être libre ; et… comprends-tu comment je mène joyeuse vie en ne faisant pas de mal ?

QUINOLA.

Et tu tâches de tout savoir, curieux, pour mettre le poing sous la gorge à l’occasion. (Monipodio fait un signe affirmatif.) Lothundiaz existe-t-il toujours ?

MONIPODIO.

Voilà sa maison, et ce palais est à lui : toujours de plus en plus propriétaire.

QUINOLA.

J’espérais trouver l’héritière maîtresse d’elle-même. Mon maitre est perdu !

MONIPODIO.

Tu rapportes un maître ?

QUINOLA.

Qui me rapportera plusieurs mines d’or.

MONIPODIO.

Ne pourrais-je entrer à son service ?

QUINOLA.

Je compte bien sur ta collaboration ici… Écoute, Monipodio ? nous revenons changer la face du monde. Mon maître a promis au roi de faire marcher un des plus beaux vaisseaux, sans voiles, ni rames, contre le vent, plus vite que le vent.